FaceĂ  cela, une seule recette : la lutte des travailleurs, du peuple, il n’en existe pas d’autre. C’est la lutte de classe. C haque fois qu’il y a de gran-des luttes, ils ont dĂ» reculer. C’est ce que, Macron et le capital crai-gnent, la lutte tous ensemble de plus en plus fort. Le systĂšme capi-taliste a besoin de la division des
Une Ă©tude de l'Insee indique que l'Ă©cart entre les plus riches et les plus pauvres en France est de prĂšs de 13 ans chez les hommes et de 8 ans chez les femmes. Un Ă©cart qui n'est pas prĂšs de se rĂ©duire avec la politique du gouvernement."Il y a une guerre des classes, c’est un fait. Mais c’est ma classe, celle des riches, qui mĂšne cette guerre et nous sommes en train de la gagner". Ces propos de l'États-unien Warren Buffet, deuxiĂšme fortune mondiale, dans les annĂ©es 2000, ont une rĂ©sonance particuliĂšre avec l'Ă©tude de l'Institut national de la statistique et des Ă©tudes Ă©conomiques Insee sur les liens entre niveau de vie et espĂ©rance de vie. Cette Ă©tude, publiĂ©e mardi 6 fĂ©vrier cf lien n°1, indique que l'espĂ©rance de vie des 5% les plus riches hommes en France est de 84,4 ans, contre 71,7 ans les 5% les plus pauvres hommes. Soit un Ă©cart de 12,7 ans. Chez les femmes, l'Ă©cart est 8,3 ans 88,3 ans d'espĂ©rance de vie chez les 5% des femmes les plus riches contre 80 ans chez les 5% des femmes les plus pauvres.AccĂšs inĂ©galitaireQu'est-ce qui peut expliquer l'existence de tels Ă©carts entre les plus riches et les plus pauvres? Selon l'Insee, les plus riches bĂ©nĂ©ficieraient d'un meilleur accĂšs aux soins, aux services de santĂ©, ainsi qu'un meilleur traitement mĂ©dical en raison de leur meilleur niveau de vie, lui-mĂȘme reliĂ© Ă  la condition sociale des personnes cadre, professions supĂ©rieures, etc. et au niveau de diplĂŽme. L'effet du diplĂŽme est trĂšs marquant. Selon l'Insee, les personnes diplĂŽmĂ©es du supĂ©rieur ont un risque de dĂ©cĂšs infĂ©rieur de 14% Ă  celui de personnes ayant un CAP, un BEP; tandis que des personnes sans diplĂŽme ont un risque de dĂ©cĂšs supĂ©rieur de 12% Ă  celui des personnes ayant un CAP, un de la localisation joue Ă©galement sur l'inĂ©galitĂ© devant la mort. L'Île-de-France, la rĂ©gion la plus riche de l'hexagone, est celle qui prĂ©sente le moins de risque de dĂ©cĂšs, Ă  Ăąge et sexe donnĂ©s, mais si on enlĂšve l'effet du niveau de vie, l'Île-de-France se retrouve en-dessous de la moyenne des risques de dĂ©cĂšs par rĂ©gion, tandis que l'Occitanie, sans effet du niveau de vie, est la rĂ©gion qui concentre le moins de risques de dĂ©cĂšs. Par contre, dans tous les cas, la rĂ©gion qui prĂ©sente le plus de risque de dĂ©cĂšs est les Hauts-de-France. Si on complĂšte les donnĂ©es de l'Insee avec celles de l'ordre des mĂ©decins sur la densitĂ© mĂ©dicale cf lien n°2, on peut remarquer que l'Île-de-France est la rĂ©gion hexagonale concentrant le plus de mĂ©decins, devant la Provence-Alpes-CĂŽte d'Azur et l'Occitanie, tandis que les Hauts-de-France font partie des rĂ©gions ayant le moins de toubibs. MĂȘme si le lien entre niveau de vie et prĂ©sence mĂ©dicale n'est pas absolu Ă  100%, il n'est pas Ă  sĂ©cu Ă  deux vitessesÀ l'heure oĂč le pouvoir en place lance une politique de rĂ©duction des dĂ©penses publiques avec des postes de fonctionnaires qui doivent sauter, Ă  ses yeux, et de rĂ©duction des prĂ©lĂšvements obligatoires pour les plus riches, c'est un renforcement d'une SĂ©curitĂ© sociale Ă  deux vitesses qui s'opĂšre. En effet, la principale ressource de la SĂ©cu est la cotisation sociale. Or, sous prĂ©texte du manque de compĂ©titivitĂ© de l'Ă©conomie, de nouvelles rĂ©ductions, voire exonĂ©rations de cotisations sociales ont vu le jour pour le budget 2018 de la SĂ©cu. Et pour ne pas trop affaiblir ce service public, le gouvernement a renforcĂ© la Contribution sociale gĂ©nĂ©ralisĂ©e, fiscalisant encore plus la SĂ©cu et la rendant encore plus dĂ©pendante de l' baisse des recettes accompagnĂ©e de dĂ©penses qui ne vont pas stagner de sitĂŽt car l'accĂšs aux services de la SĂ©cu sera davantage disponible pour les plus riches. Et comme ce sont eux qui ont une espĂ©rance de vie plus longue que les plus pauvres, il n'est pas illogique que ce sont eux qui provoquent le "trou de la SĂ©cu". Et ce, d'autant plus que les vagues de rĂ©formes des retraites de ces derniĂšres annĂ©es font que les plus pauvres auraient Ă  peine atteint l'Ăąge de la retraite qu'il n'auraient pas le temps de profiter de ce salaire Ă  vie, pour reprendre ce thĂšme cher Ă  l'Ă©conomiste et sociologue Bernard Friot, qui les rend indĂ©pendants du chantage Ă  l'emploi fait durant leur "vie active". Et encore plus en fonction des rĂ©gions et de leur niveau de richesse, permettant d'attirer ou non des cette Ă©tude de l'Insee peut ĂȘtre salutaire pour comprendre combien les mĂ©canismes du capitalisme sont mortels pour les dominĂ©s.
Lemarxisme a dĂ©veloppĂ© une thĂ©orie complexe Ă  propos de la lutte des classes et de son Ă©volution historique, Ă  laquelle le Manifeste du Parti communiste fournit une introduction. Cette thĂ©orie a connu un engouement majeur pendant le XXe siĂšcle et a influencĂ© le destin d'un grand nombre de pays. 1 Maintenant, en ce qui me concerne, ce n’est pas Ă  moi que revient le mĂ©rite d’avoir dĂ©couvert l’existence des classes dans la sociĂ©tĂ© moderne, pas plus que la lutte qu’elles s’y livrent. Des historiens bourgeois avaient exposĂ© bien avant moi l’évolution historique de cette lutte des classes et des Ă©conomistes bourgeois en avaient dĂ©crit l’anatomie Ă©conomique [1]. » Pendant des dĂ©cennies, de nombreux ouvrages ont citĂ© ou paraphrasĂ© ces lignes issues d’une lettre de 1852 rĂ©digĂ©e par Karl Marx et adressĂ©e Ă  son ami Joseph Weydemeyer. Marx y affirmait sa dette intellectuelle Ă  l’égard des historiens libĂ©raux Ă  qui il aurait empruntĂ© l’idĂ©e de comprendre l’histoire des sociĂ©tĂ©s Ă  travers le prisme de la lutte des classes. Ironisant sur les hommes politiques dĂ©mocrates » de son temps, Marx prĂ©cisait son propos dans le mĂȘme courrier en affirmant que ces messieurs devraient par exemple Ă©tudier les Ɠuvres de Thierry, Guizot, John Wade, etc., et acquĂ©rir quelques lumiĂšres sur l’histoire des classes’ dans le passĂ© [2] ». Ce courrier est d’autant plus cĂ©lĂšbre qu’il contenait Ă©galement une des rares mentions explicites dans son Ɠuvre de la dictature du prolĂ©tariat [3] ». Une deuxiĂšme correspondance, cette fois-ci adressĂ©e Ă  Friedrich Engels deux ans plus tard, Ă©voque spĂ©cifiquement Augustin Thierry comme le pĂšre de la lutte des classes’ dans l’historiographie française [4] » Ă  l’occasion de la parution d’un ouvrage, l’Essai sur l’histoire de la formation et des progrĂšs du Tiers-État [5]. 2 Évoquer Augustin Thierry comme pĂšre de la lutte de classes » devient au vingtiĂšme siĂšcle une des formules passe-partout de l’histoire du marxisme. Ces deux citations ont mĂȘme fait autoritĂ© car, comme le rappelle Eric Hobsbawm, bien que la conception matĂ©rialiste de l’histoire au centre du marxisme, et que tout ce qu’a Ă©crit Marx soit imprĂ©gnĂ© d’histoire, il n’a pas lui-mĂȘme Ă©crit beaucoup d’histoire, dans le sens oĂč l’entendent les historiens [6] ». Tout manuel ou article rĂ©sumant la conception matĂ©rialiste de l’histoire » ou faisant rĂ©fĂ©rence aux origines du concept de luttes de classes » chez Marx pouvait difficilement faire l’économie d’une allusion, mĂȘme et souvent succincte, Ă  Augustin Thierry. Ce dernier ayant Ă©tĂ© par ailleurs le secrĂ©taire de Saint-Simon entre 1814 et 1817, la filiation avec le socialisme utopique » Ă©tait assurĂ©e [7]. Des gĂ©nĂ©rations se sont ainsi succĂ©dĂ©es en rĂ©pĂ©tant combien Marx avait puisĂ© dans l’Ɠuvre de Thierry et d’autres historiens libĂ©raux principalement Guizot, Mignet et Thiers. 3 Pourtant, qui a lu au vingtiĂšme siĂšcle le texte auquel Marx faisait alors explicitement rĂ©fĂ©rence, l’Essai sur l’histoire de la formation et des progrĂšs du Tiers-État, ainsi que les autres ouvrages sur l’histoire de France dont Marx avait pris connaissance ? L’Essai [8] en question n’a pas Ă©tĂ© rééditĂ© en France depuis la mort de Karl Marx [9]. L’Ɠuvre de Thierry s’efface avec l’histoire scientifique qui s’affirme sous la TroisiĂšme RĂ©publique. 4 Une simple confrontation des Ɠuvres publiĂ©es de Thierry et Marx sur l’histoire aurait dĂ©jĂ  en soi un intĂ©rĂȘt qu’est-ce que qui au fond, a valu les louanges de Marx au-delĂ  la formule consacrĂ©e sur le pĂšre » de la lutte des classes ? Mais au moins deux autres raisons justifient une Ă©tude plus approfondie. En premier lieu, l’édition par la MEGA des notes prises par Marx sur l’Essai de Thierry permet de mieux connaĂźtre ce qu’il a retenu de sa lecture [10]. Par ailleurs l’Ɠuvre d’Augustin Thierry, largement oubliĂ©e pendant des dĂ©cennies, fait l’objet d’un regain d’intĂ©rĂȘt. AmorcĂ© dans les annĂ©es 1980 avec un article de Marcel Gauchet dans Les Lieux de mĂ©moires de Pierre Nora – qui soulignait d’ailleurs avec un certain mĂ©pris la piĂ©tĂ© filiale » des marxistes Ă  l’égard d’Augustin Thierry [11] – ce renouveau est plus affirmĂ© depuis quelques annĂ©es avec la mise en question du roman national ». L’historien Sylvain Venayre a par exemple publiĂ© un ouvrage marquant Ă  ce sujet, Les Origines de la France. Quand les historiens inventaient la nation [12]. Dans un contexte de crise de l’identitĂ© » française, l’ouvrage prĂ©sente les rĂ©cits fondateurs de l’histoire de France publiĂ©s au cours du xix e siĂšcle, en faisant la part belle aux ouvrages d’Augustin Thierry. NĂ©anmoins, contrecoup logique des affirmations dogmatiques de naguĂšre, les spĂ©cialistes actuels des rĂ©cits nationaux du xix e siĂšcle ont globalement abandonnĂ© l’idĂ©e de mettre en perspective Marx et Augustin Thierry, au point d’en oublier l’influence capitale du second sur le premier. JoĂ«lle Dusseau relĂšve Ă  juste titre cette absence surprenante dans la production historiographique contemporaine 5 Si les grands systĂšmes explicatifs de l’histoire de France sont prĂ©sentĂ©s de maniĂšre extrĂȘmement prĂ©cise, aucun Ă©cho n’est donnĂ© Ă  l’histoire marxiste, alors que Marx et Engels sont obnubilĂ©s par l’histoire et, notamment Marx, par l’histoire de France lue Ă  travers la lutte des classes [13]. 6 Les Origines de la France n’y fait en effet pas la moindre allusion. Pourtant toute une rĂ©flexion sur Michel Foucault et la gĂ©nĂ©alogie historique Ă  partir de sa lecture d’Augustin Thierry clĂŽt l’ouvrage. Dans ce contexte, il paraĂźt d’autant plus nĂ©cessaire de restituer ce que Marx a rĂ©ellement empruntĂ© au pĂšre de la lutte de classes ». Marx, lecteur d’Augustin Thierry 7 Alors qu’il vient d’achever son essai historique sur le bonapartisme Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, qu’a donc lu Marx de l’historien français lorsqu’il affirme pour la premiĂšre fois une dette Ă  son Ă©gard ? Que son sĂ©jour Ă  Paris au dĂ©but des annĂ©es 1840 l’ait familiarisĂ© avec la littĂ©rature historique des libĂ©raux français ne fait aucun doute. Que ses manuscrits de Kreuznach, les premiĂšres versions du Manifeste du parti communiste, puis le Manifeste lui-mĂȘme portent la trace de l’influence de ces historiens prĂ©sentant les processus historiques et notamment les rĂ©volutions de l’époque moderne anglaise et française en termes de lutte de classes, est peu contestable, et n’est plus Ă  dĂ©montrer [14]. Signe de cette forte empreinte, aprĂšs le reflux des rĂ©volutions europĂ©ennes de 1848, Marx publie un compte-rendu critique sur un ouvrage de Guizot relatif aux rĂ©volutions anglaises [15]. 8 NĂ©anmoins, Ă  consulter les brouillons et notes publiĂ©es par la MEGA – notamment ceux de Kreuznach – si Marx cite ou copie de brefs passages des Lettres sur l’histoire de France d’Augustin Thierry [16], il le fait alors uniquement Ă  partir de citations traduites en allemand provenant de l’ouvrage d’un historien, Ernst Alexander Schmidt, Geschichte von Frankreich [17]. Marx Ă©voque l’émergence des communes mĂ©diĂ©vales et la place que la bourgeoisie a occupĂ©e dans ce processus, mais il n’y a pas trace d’une analyse un peu significative de l’Ɠuvre d’Augustin Thierry. AprĂšs son sĂ©jour parisien, Marx a pu prendre connaissance d’autres travaux en consultant la traduction d’une partie d’un ouvrage sur l’histoire du Tiers-État en 1847 [18]. Le traducteur de Thierry, Friedrich Hermann Semmig, est d’ailleurs longuement citĂ© et critiquĂ© par Marx et Engels dans L’IdĂ©ologie allemande, notamment son article sur communisme, socialisme et humanisme [19] ». À ce stade, il est difficile de rendre compte de ce que Marx a pu lire ou retenir de Thierry faute de notes prĂ©cises, de compte-rendus ou de rĂ©fĂ©rences explicites Ă  tel ou tel dĂ©veloppement. D’autant plus que dans les deux contributions historiques oĂč il analyse concrĂštement les luttes de classes en France Les Luttes de classes en France en 1848-1850 et Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Marx ne mentionne pas explicitement son legs Ă  Augustin Thierry. 9 Ce n’est qu’en 1854 que Marx semble avoir lu intĂ©gralement un ouvrage d’Augustin Thierry. Dans un contexte international tendu, Marx prend nombre de notes sur l’histoire de la diplomatie europĂ©enne ; c’est l’époque de sa collaboration rĂ©guliĂšre au New York Daily Tribune. Il ne semble pas alors avoir lu la premiĂšre version de l’Essai de Thierry, parue en livraison dans la Revue des deux mondes en 1850. Sa parution sous forme d’ouvrage sĂ©parĂ© trois ans plus tard ne le laisse en revanche pas indiffĂ©rent. 10 Comment expliquer cette attention subite ? AprĂšs plusieurs dĂ©cennies de recherches, l’historien français publie une synthĂšse de ses travaux sur l’histoire de la formation du Tiers-État. CentrĂ©es Ă  l’origine sur une histoire des races et des conquĂȘtes – opposant Gaulois, peuple conquis devenu le Tiers-État et Francs Ă  l’origine de l’aristocratie – les Ɠuvres de Thierry soulignent Ă©galement l’importance du contenu social de ces luttes, d’oĂč l’attention de Marx depuis la parution des Lettres sur l’histoire de France. Dans son Essai de 1850, Thierry rend compte de la longue montĂ©e en puissance de la bourgeoisie sur plusieurs siĂšcles. Évoquant le mouvement des communes du xii e siĂšcle comme une vĂ©ritable rĂ©volution [20] », il dĂ©crit avec passion la montĂ©e en puissance de certaines d’entre elles, notamment de la ville d’Amiens. L’Ɠuvre fut longue, il ne fallut pas moins de six siĂšcles pour l’accomplir [21] » ; le rĂšgne de Louis xiv est pensĂ© comme un moment d’unification administrative rationnelle, que parachĂšve le mouvement rĂ©volutionnaire de 1789. 11 L’exaltation hĂ©roĂŻque de la RĂ©volution n’est plus de saison. Entre les annĂ©es 1820 et le dĂ©but des annĂ©es 1850, l’évolution de sa lecture de l’histoire est en effet notable. LibĂ©ral oppositionnel dans les annĂ©es 1820, Thierry est devenu dĂ©sormais conservateur, effrayĂ© par les poussĂ©es Ă©galitaires des socialistes aprĂšs les rĂ©volutions de 1848. Comme le souligne Sylvain Venayre, au soir de sa vie, l’historien entendait rĂ©affirmer vigoureusement que le Tiers-État Ă©tait la nation tout entiĂšre – et pas seulement cette classe bourgeoise que les socialistes dĂ©nonçaient comme la dĂ©tentrice des privilĂšges contemporains [22] ». C’est donc au moment oĂč Thierry se rĂ©vĂšle ĂȘtre conservateur qu’il est lu avec le plus d’attention par Marx. Dans sa cĂ©lĂšbre lettre Ă  Engels, Marx ironise d’ailleurs sur la contradiction entre ses premiers Ă©crits et l’homogĂ©nĂ©itĂ© du Tiers-État dĂ©sormais prĂ©sentĂ©e par Thierry 12 C’est curieux de voir comment ce monsieur, qui est le pĂšre de la lutte de classes » dans l’historiographie française, se dĂ©chaĂźne dans sa prĂ©face contre les Jeunes historiens » qui voient, eux aussi, maintenant un antagonisme entre la bourgeoisie et le prolĂ©tariat, et veulent dĂ©couvrir dĂ©jĂ  des traces de cette opposition spĂ©cifique dans l’histoire du tiers-Ă©tat jusqu’en 1789 [23]. 13 L’attention que Marx a portĂ©e Ă  cet ouvrage est incontestable. Ses nombreuses notes prĂ©cĂšdent la caractĂ©risation de pĂšre de la lutte de classes ». Les rares rĂ©flexions explicites qu’elles contiennent sont dĂ©veloppĂ©es dans sa lettre Ă  Engels ces notes ne constituent pas en effet en tant que tel un texte cohĂ©rent et neuf, d’autant que leur lecture est ardue avec le mĂ©lange de trois langues ; les citations sont tantĂŽt recopiĂ©es du français, tantĂŽt traduites librement vers l’allemand ou l’anglais, souvent pour accentuer une idĂ©e mentionnĂ©e dans l’ouvrage de Thierry [24]. Mais une lecture attentive de l’Essai confrontĂ©e aux notes de Marx fait nĂ©anmoins apparaĂźtre des prĂ©occupations historiques majeures, en tout premier lieu l’attention Ă  la formation d’une classe sociale sur le long terme. Outre des notes sur les rivalitĂ©s entre noblesse et bourgeoisie au xvii e siĂšcle, notamment Ă  l’occasion de la rĂ©union des États gĂ©nĂ©raux de 1614, Marx s’arrĂȘte sur l’histoire des communes mĂ©diĂ©vales et le lien que celles-ci entretiennent avec l’émergence de la bourgeoisie, deux thĂšmes dĂ©jĂ  retenus dans ses notes de Kreuznach. À la commune correspondrait une premiĂšre apparition d’une pensĂ©e politique des classes roturiĂšres [25] » voire l’émergence d’une communautĂ© dĂ©mocratique [26] ». À plusieurs reprises Marx relĂšve la portĂ©e rĂ©volutionnaire de ce mouvement au xii e siĂšcle, la premiĂšre rĂ©volution [27] ». Le Tableau de l’ancienne France municipale » et la Monographie de la constitution communale d’Amiens » – deux annexes Ă  l’ouvrage de l’Essai – sont trĂšs attentivement lus et forment la partie la plus importante des notes. En rĂ©sumĂ©, malgrĂ© quelques rĂ©serves, comme l’affirme Marx dans sa lettre Ă  Engels ce qu’il [Thierry] dĂ©veloppe et souligne bien, c’est le caractĂšre conspirateur et rĂ©volutionnaire des municipalitĂ©s du xii e siĂšcle [28] ». 14 L’écho avec les prĂ©occupations du milieu du xix e siĂšcle est manifeste. Marx note Analogie dans la sĂ©rie des rĂ©volutions municipales du xii e siĂšcle avec le mouvement constitutionnel au xix e. L’imitation y joua un rĂŽle considĂ©rable [29]. » La question de la rĂ©volution communale » est en effet un topos de l’histoire et de la pensĂ©e politique du xix e siĂšcle [30]. La thĂ©matique de l’émergence des villes et leur sĂ©paration des campagnes est significativement prĂ©sente de L’IdĂ©ologie allemande au Capital en passant par les Grundrisse [31]. Si Marx ne propose pas de conception prĂ©cise et dĂ©finie de la sociĂ©tĂ© mĂ©diĂ©vale [32], la densitĂ© de ses notes sur le sujet conduit Ă  penser qu’il les rĂ©servait pour une Ă©tude approfondie de l’histoire des communes, d’autant que son dernier grand projet d’histoire mondiale comprend Ă©galement d’importantes mentions sur la mĂȘme pĂ©riode [33]. Le souligner n’a pas qu’un intĂ©rĂȘt philologique cela permet d’infirmer notamment la critique de Raymond Aron, souvent reprise par l’historiographie dominante, pour mesurer l’importance de ces remarques sur les siĂšcles antĂ©rieurs Ă  la rĂ©volution industrielle. Aron soulignait en effet que la lutte des classes » marxiste concernait au mieux les sociĂ©tĂ©s industrielles contemporaines, mais n’avait pas d’intĂ©rĂȘt pour comprendre les siĂšcles antĂ©rieurs. À l’appui de cette thĂšse, il formulait l’affirmation suivante 15 En fait, quelles Ă©taient les classes sociales dans les sociĂ©tĂ©s industrielles, en quoi diffĂ©raient-elles de celles des sociĂ©tĂ©s prĂ©-industrielles ? Ces questions n’intĂ©ressaient pas grandement Marx [
]. Ce qui l’intĂ©ressait avant tout, c’était une certaine philosophie de l’histoire, une certaine interprĂ©tation de la sociĂ©tĂ© capitaliste [34]. 16 Or si l’on retient l’idĂ©e de l’émergence d’une nouvelle modernitĂ© socio-politique [35] » Ă  partir des communes mĂ©diĂ©vales italiennes, le mouvement français du xii e – certes diffĂ©rent et en retrait du point de vue des pratiques dĂ©mocratiques – constitue bien un Ă©lĂ©ment d’interrogation historique pour Marx, puisqu’il s’agit de penser les luttes de classes sur la longue durĂ©e. Dans le contexte du dĂ©but des annĂ©es 1850, aux perspectives assombries suite au terrible Ă©chec des rĂ©volutions de 1848, cette attention aux communes rĂ©vĂšle une prĂ©occupation – et aussi une tension – quant Ă  l’écriture de l’histoire des luttes sociales si la rĂ©volution municipale » ne fait qu’anticiper un vaste mouvement parachevĂ© en 1789, un mouvement comme la RĂ©volution française de 1789-1794 ou de 1848 peut-il ĂȘtre finalement considĂ©rĂ© comme un moment de rupture spĂ©cifique ? Il ne s’agirait plus d’étudier et de valoriser un moment rĂ©volutionnaire mais bien de voir comment, Ă  l’échelle des siĂšcles, se dĂ©roulent les conflits sociaux et politiques et de comprendre comment la complexitĂ© de ceux-ci expriment des luttes de classes. Dans son Essai, Augustin Thierry minimise, on l’a dĂ©jĂ  soulignĂ©, la rupture de 1789 ; il estime finalement que l’histoire du progrĂšs de la libertĂ©, depuis le xii e siĂšcle, devait tout autant Ă  l’action de la royautĂ© qu’à celle du Tiers-État [36] ». Marx le relĂšve lui aussi Ă  plusieurs reprises dans ses notes sur l’Essai le travail de la sociĂ©tĂ© française depuis le xii e siĂšcle aboutit Ă  la monarchie absolue, son second point de dĂ©part [37] » ou encore le cahier du Tiers-État de 1615 propose une vaste programme de rĂ©formes, dont les unes sont exĂ©cutĂ©es par les grands ministres du xvii e siĂšcle, les autres en 1789 [38] ». Dans sa lettre Ă  Engels, Marx revient dans le mĂȘme esprit sur la formation de l’État français ce qu’il [Thierry] dĂ©crit joliment, mais de façon peu synthĂ©tique, c’est 1. comment, d’emblĂ©e, du moins Ă  partir de l’essor des villes, la bourgeoisie française doit une trop grande part de son influence au fait qu’elle se constitue en Parlement, qu’elle forme une bureaucratie [39] ». FondĂ©e lĂ  encore sur Thierry, cette attention Ă  l’histoire de l’État français et de sa bureaucratisation s’inscrit dans la continuitĂ© de l’analyse qu’il propose deux ans plus tĂŽt dans Le 18 Brumaire, oĂč il soulignait la continuitĂ© de l’État français Ă  l’échelle de plusieurs siĂšcles 17 Ce pouvoir exĂ©cutif, avec son immense organisation bureaucratique et militaire [
] qui recouvre comme d’une membrane le corps de la sociĂ©tĂ© française et en bouche tous les pores, se constitua Ă  l’époque de la monarchie absolue, au dĂ©clin de la fĂ©odalitĂ©, qu’il aida Ă  renverser. [
] La premiĂšre RĂ©volution française, qui se donna pour tĂąche de briser tous les pouvoirs indĂ©pendants, locaux, territoriaux, municipaux et provinciaux, pour crĂ©er l’unitĂ© civique de la nation, devait nĂ©cessairement dĂ©velopper l’Ɠuvre commencĂ©e par la monarchie absolue la centralisation, mais, en mĂȘme temps aussi, l’étendue, les attributs et l’appareil du pouvoir gouvernemental. NapolĂ©on acheva de perfectionner ce mĂ©canisme d’État [40]. 18 Cette prĂ©occupation, souvent soulignĂ©e par les commentateurs de Marx pour la rapprocher de la thĂšse de Tocqueville dans L’Ancien RĂ©gime et la RĂ©volution, insistant sur la continuitĂ© entre la monarchie et la RĂ©volution, n’a donc rien de purement conjoncturelle [41]. Marx prĂ©cise d’ailleurs, toujours dans sa lettre de 1854, la façon dont on doit envisager la comprĂ©hension de la formation et de la domination d’une classe sur le long terme 19 On pourrait trĂšs bien montrer, en s’appuyant sur son exposĂ© [celui de Thierry], comment naĂźt la classe tandis que disparaissent les diffĂ©rentes formations Formen dans lesquelles se situe Ă  diffĂ©rentes Ă©poques son centre de gravitĂ©, et que dĂ©pĂ©rissent les diffĂ©rentes fractions qui, grĂące Ă  ces formations, atteignent une certaine influence. Cette suite de mĂ©tamorphoses, jusqu’à ce qu’on en arrive Ă  la domination de la classe, Ă  mon avis, personne ne l’a encore dĂ©crite ainsi – du moins quant au contenu [42]. 20 Ces formations » sont notamment, prĂ©cise Marx, les maĂźtrises et jurandes, les formations au sein desquelles se dĂ©veloppe la bourgeoisie industrielle [43] ». Ce passage est trĂšs significatif de ce que Marx entend analyser comme lutte de classes » dans l’histoire Ă  partir des notes prises sur Thierry envisagĂ©es comme des moments d’un processus multiforme, elles seraient aux fondement d’une Ă©tude novatrice sur la domination [d’une] classe ». 21 La lecture de Thierry s’avĂšre pour Marx incontestablement fĂ©conde. Et malgrĂ© la citomanie » sur le pĂšre de la lutte de classes », peu semblent avoir remarquĂ© ce qui semble ĂȘtre de prime abord un paradoxe Marx, en mettant en avant Thierry au milieu des annĂ©es 1850, se dĂ©marque radicalement de l’historiographie rĂ©publicaine française. FascinĂ© par l’histoire des siĂšcles antĂ©rieurs, dans un contexte oĂč l’opposition entre classes improductives et pillardes et classes productives roturiĂšres constitue un topos frĂ©quemment dĂ©veloppĂ© par les historiens français, Marx se montre peu sensible Ă  la fresque rĂ©volutionnaire la plus cĂ©lĂšbre de l’époque – et la plus durable au niveau Ă©ditorial – celle de Jules Michelet. En effet, lorsque Marx lit Thierry, l’Histoire de la RĂ©volution française de Michelet vient d’achever sa parution 1847-1852. L’Ɠuvre sera consacrĂ©e par la TroisiĂšme RĂ©publique, quand Augustin Thierry sera, lui, progressivement oubliĂ©. Il n’y a pourtant pas une seule ligne de Marx sur Michelet, le premier Ă©tant probablement peu sensible au ton lyrique et Ă  l’exaltation d’un peuple » rĂ©volutionnaire oĂč les contradictions de classes n’ont pas leur place, et sont dĂ©libĂ©rĂ©ment ignorĂ©es
 Quant au socialiste Louis Blanc, dont on peut considĂ©rer qu’il fut un des premiers Ă  dĂ©velopper l’érudition qui sera au cƓur de l’historiographie universitaire de la rĂ©volution [44], son Histoire de la rĂ©volution française 1847-1865 a Ă©tĂ© rejetĂ©e radicalement et explicitement par Marx. SĂ©vĂ©ritĂ© Ă  l’égard de Louis Blanc, mĂ©pris implicite pour Michelet ce sont finalement les intuitions de l’ancien libĂ©ral sur les diffĂ©rentes formations » qui ont bien davantage aiguisĂ© la curiositĂ© de Karl Marx. Augustin Thierry et l’invention d’une tradition 22 Aussi brĂšves soient les remarques de Marx sur Thierry, celles-ci sont pourtant loin d’avoir toutes connues les mĂȘmes faveurs chez les historiens marxistes. Si la formule de pĂšre de lutte de classes » devient canonique au vingtiĂšme siĂšcle, le second passage de la lettre Marx sur les formations des classes – qui s’accommode mal d’une approche binaire rĂ©sumant la lutte de classes Ă  l’opposition de deux camps facilement identifiables – a Ă©tĂ© souvent escamotĂ©. Dans la totalitĂ© des manuels soviĂ©tiques publiĂ©s en langues Ă©trangĂšres, lorsqu’est abordĂ©e la conception de l’histoire de Marx, la suite de mĂ©tamorphoses » des classes brille par son absence. Par exemple, la biographie collective de Marx publiĂ©e aux Ă©ditions du ProgrĂšs [45] de mĂȘme que l’Histoire de France en trois volumes rĂ©digĂ©e par des historiens soviĂ©tiques [46] relĂšve les insuffisances de Thierry, tout en mentionnant son statut de pĂšre de la lutte de classes ». Mais on ne retrouve aucune allusion Ă  la deuxiĂšme partie de la lettre sur les formations ». La mĂȘme remarque s’applique Ă  de nombreux textes Ă©voquant le lien unissant Karl Marx Ă  Augustin Thierry. L’historien d’inspiration marxiste de la RĂ©volution française Albert Soboul, dans un article oĂč il expose parentĂ©s d’analyses et filiations entre Jean JaurĂšs, Albert Mathiez et Georges Lefebvre, mentionne l’importance de Thierry pour Marx comme pĂšre de la lutte de classes », mais sans citer cette autre partie de la lettre Ă  Engels [47]. 23 Il est donc nĂ©cessaire de comprendre comment et pourquoi, aprĂšs la mort de Marx, on a reconstituĂ© un rapport spĂ©cifique Ă  l’Ɠuvre d’Augustin Thierry Ă  partir de quelques citations abrĂ©gĂ©es. Emmanuel Renault, Ă©tudiant mĂ©ticuleusement la prĂ©sence explicite de la dialectique dans les textes de Marx – moins importante que ne le veut la tradition marxiste qui s’est fondĂ©e sur quelques extraits – souligne que tout autant que les questions de l’aliĂ©nation et du matĂ©rialisme, celle de la dialectique est prise dans le processus d’invention par le marxisme de sa propre tradition [48] ». La mĂȘme remarque s’applique Ă  la lutte de classes » et Ă  son pĂšre » supposĂ©. En effet, l’Apparat du volume de la MEGA signale clairement le nombre trĂšs faible d’occurrences Ă  Augustin Thierry dans toute l’Ɠuvre de Marx. Un tour d’horizon des ouvrages et brouillons de Marx y compris chez Engels aprĂšs 1883 le confirme dans tous les cas, trĂšs peu de mentions d’Augustin Thierry l’Anti-DĂŒhring ne contient pas par exemple la moindre allusion Ă  l’historien français. Friedrich Engels Ă©voque certes ponctuellement Thierry et les autres historiens libĂ©raux dans une sĂ©rie de lettres Ă  ses correspondants au dĂ©but des annĂ©es 1890, mais elles ne contiennent aucun dĂ©veloppement ni formulation significative sur son Ɠuvre. 24 Marx ayant fait trĂšs peu d’emprunts explicites Ă  Thierry, Ă  partir de quand a-t-on considĂ©rĂ© et rĂ©pĂ©tĂ© qu’un lien fort les unissait ? Le marxisme a créé cette association et ce lien indĂ©fectible entre Marx et Thierry selon un processus plus complexe qu’il n’y paraĂźt. L’explication la plus Ă©vidente serait la reprise par les hĂ©ritiers proclamĂ©s de Marx et Engels et les vulgates successives des citations des deux lettres de Marx et Engels pour instituer Augustin Thierry comme pĂšre de la lutte de classes ». Or la majeure partie de la correspondance entre Marx et Engels n’est pas publiĂ©e avant 1913 [49]. La lettre de 1852 Ă  Weydemeyer a paru pour la premiĂšre fois en 1906 dans la Neue Zeit, la revue thĂ©orique de la social-dĂ©mocratie allemande [50] ; la seconde n’est rendue publique que dans le deuxiĂšme volume de correspondances paru en 1913. La conclusion paraĂźt s’imposer c’est la tradition communiste ultĂ©rieure qui, aprĂšs la rĂ©volution russe, instaure Augustin Thierry comme rĂ©fĂ©rence Ă  partir des deux lettres de Marx exhumĂ©es quelques annĂ©es plus tĂŽt, sans que personne ne sache exactement ce que Marx a lu avec prĂ©cision d’Augustin Thierry, faute d’analyses de ses notes. 25 Une Ă©tude des publications de ceux qui s’employĂšrent Ă  populariser le marxisme aprĂšs la mort Marx sous la forme de brochures, confĂ©rences, et articles pour expliquer les luttes de classes et leur rĂŽle dans l’histoire, fait pourtant apparaĂźtre une filiation moins Ă©vidente. S’il est exact qu’une orthodoxie commune des DeuxiĂšme et TroisiĂšme Internationales fige un certain marxisme comme l’a montrĂ© AndrĂ© Tosel [51], pour autant la singularitĂ© de la pĂ©riode 1880-1910 ne doit pas ĂȘtre minimisĂ©e, ne serait-ce qu’en raison de la disponibilitĂ© trĂšs partielle de l’Ɠuvre de Marx. Or une consultation des Ɠuvres des principaux thĂ©oriciens marxistes avant 1914 rĂ©vĂšle que, avant la connaissance des lettres de Marx, Georges Plekhanov se rĂ©fĂšre rĂ©guliĂšrement Ă  Augustin Thierry. 26 Plekhanov fut un des artisans de l’invention de ce marxisme dans les annĂ©es 1880-1900. Son influence – considĂ©rable parmi les sociaux-dĂ©mocrates russes – dĂ©passait ce premier cercle, nombre de ses contributions historiques furent en effet traduites de son vivant dans de multiples langues, notamment en français et allemand. LĂ©nine – qui ne mentionne jamais Augustin Thierry – a toujours reconnu une dette Ă  son Ă©gard comme fondateur du marxisme russe, permettant son intĂ©gration ultĂ©rieure dans le marxisme soviĂ©tique et ce en dĂ©pit des choix politiques de Plekhanov, favorable aux mencheviks [52]. 27 Aucun autre dirigeant de la DeuxiĂšme Internationale n’a consacrĂ© autant de lignes aux historiens libĂ©raux, et notamment Ă  Augustin Thierry. Plekhanov a notamment Ă©crit un article spĂ©cifique sur ce thĂšme Augustin Thierry et la conception matĂ©rialiste de l’histoire [53] », publiĂ© en français dans L’Ère nouvelle, la premiĂšre revue thĂ©orique marxiste française [54]. Il y rend un hommage appuyĂ© Ă  l’historien. Outre cet article, dans plusieurs contributions souvent des brochures ou des retranscriptions de formations militantes, Plekhanov Ă©voque avec enthousiasme Augustin Thierry et plusieurs de ouvrages [55]. Il renvoie alors Ă  la prĂ©face de la seconde Ă©dition russe du Manifeste du parti communiste publiĂ© en 1900 dont il est l’auteur. Alors que ni Marx ni Engels n’évoquent jamais dans le Manifeste ou dans leurs prĂ©faces rĂ©digĂ©es de leur vivant Augustin Thierry, Georges Plekhanov revient au contraire longuement sur son Ɠuvre, Ă  l’origine selon lui de la conception marxiste de la lutte de classes. C’est donc dĂšs 1900 qu’Augustin Thierry est devenu une rĂ©fĂ©rence pour les marxistes, bien avant que les citations cĂ©lĂšbres » de Marx ne soient connues [56]. 28 Dans sa prĂ©face au Manifeste, Plekhanov Ă©voque la rĂ©vĂ©lation que reprĂ©sentent pour les sociaux-dĂ©mocrates les rĂ©cits historiques de Thierry 29 Ce point de vue nouveau, le point de vue de l’intĂ©rĂȘt social ou de classe, se combinant avec l’attachement Ă  ces pĂšres » qui avaient supportĂ©, pendant des siĂšcles, le poids de la lutte contre les classes privilĂ©giĂ©es, devait nĂ©cessairement amener Ă  prendre conscience de l’importance historique considĂ©rable de la lutte d’intĂ©rĂȘts entre les diverses classes sociales, bref, de la lutte des classes [57]. 30 De Thierry, Plekhanov retient surtout une opposition binaire entre deux classes en luttes. S’il lui reproche d’en ĂȘtre restĂ© trop souvent Ă  une lutte entre races », de fait Plekhanov fige surtout une conception assez simpliste de la lutte des classes – il faut le rappeler, Ă  des fins militantes et pĂ©dagogiques de popularisation du marxisme – en reprenant les aspects les plus tranchants de plusieurs ouvrages de l’historien français. Le paradoxe c’est que, par rapport Ă  Marx, Plekhanov retient des conclusions plutĂŽt Ă©troites Ă  partir d’une connaissance pourtant plus Ă©tendue des ouvrages de Thierry. Marx n’a en effet pas lu avec la mĂȘme attention ces derniers et ne les cite jamais dans des textes publiĂ©s de son vivant. NĂ©anmoins il perçoit dans l’Essai sur les progrĂšs et l’histoire de la formation du Tiers-État les prĂ©misses d’une mĂ©thode susceptible de saisir les mĂ©tamorphoses historiques successives d’une classe, prĂ©occupation globalement Ă©trangĂšre au thĂ©oricien russe, presque entiĂšrement concentrĂ© sur l’efficacitĂ© politique immĂ©diate des lutte de classes ». 31 Cette Ă©troitesse de Plekhanov ne doit pas pour autant masquer un autre aspect qu’il retient de la lecture Augustin Thierry. Il insiste Ă  plusieurs reprises sur la dynamique dont est porteur son rĂ©cit du Tiers-État 32 Augustin Thierry revient sur cette question en montrant que les Français n’ont pas encore de vĂ©ritable histoire de leur peuple. L’histoire des citoyens, des sujets reste Ă  Ă©crire [
]. Le mouvement des masses populaires vers la libertĂ© et le bonheur matĂ©riel constitue un spectacle bien plus grandiose que les guerres de conquĂȘte [58]. 33 Quelques pages plus loin, il souligne encore les tirades Ă©loquentes » de l’historien français expression faisant penser Ă  la formule il dĂ©crit joliment » de Marx qui font bien voir comment la prise de conscience du Tiers-État a entraĂźnĂ©, en France, un changement radical dans les idĂ©es des historiens [59] ». Nourri des lectures de Thierry comme des autres historiens de son temps, Plekhanov est Ă©merveillĂ© par le modĂšle de rĂ©cit des luttes de classes qu’elles suggĂšrent. Il faut reprendre au profit du prolĂ©tariat le dĂ©fi que s’était fixĂ© Thierry pendant la Restauration pour le peuple français » ; comme le souligne AurĂ©lien Aramini, le peuple français ne dispose pas encore d’un rĂ©cit historique dont il pourrait tirer une leçon’ susceptible de le guider dans son rĂŽle politique imminent’ tel est le problĂšme indissolublement Ă©pistĂ©mologique et politique qui s’impose Ă  Augustin Thierry [60] ». Plus qu’un simple pĂšre de la lutte des classes » auquel les marxistes emprunteraient une mĂ©thode opposant le Tiers-État Ă  la noblesse pour l’appliquer Ă  la lutte contemporaine entre bourgeoisie et prolĂ©tariat, Thierry apparaĂźt comme celui qui a dĂ©couvert ce dont une classe doit se doter pour prĂ©tendre Ă  la domination une histoire propre, singuliĂšre et glorieuse. Si, chez Thierry, les rĂ©volutions communales anticipent 1789, alors pour les socialistes mouvements populaires et luttes de classes peuvent ĂȘtre aussi compris, mutatis mutandis, comme une anticipation des mouvements prolĂ©tariens. L’historien français fournit ainsi, bien contre son grĂ©, un modĂšle d’écriture Ă  ceux qu’il dĂ©nonçait de toutes ses forces au soir de sa vie. Les premiers grands rĂ©cits » de la DeuxiĂšme Internationale – construits notamment par Plekhanov – en hĂ©ritent. MĂȘme assĂ©chĂ© par une forme de scientisme rendant austĂšre et peu vivant son regard sur l’histoire, le marxisme des annĂ©es 1880 ne perdra jamais totalement de vue l’exaltation hĂ©roĂŻque de l’épopĂ©e d’un groupe social Ă  travers les siĂšcles. Écriture de l’histoire et lutte de classes 34 En caractĂ©risant Augustin Thierry comme pĂšre de la lutte de classes », Marx ouvrait-il la voie Ă  une approche surplombante et lapidaire, peu Ă  mĂȘme de saisir la spĂ©cificitĂ© des situations historiques et des luttes sociales ? L’exemple de Plekhanov tendrait Ă  le suggĂ©rer, mĂȘme s’il n’eĂ»t pas besoin de connaĂźtre la formule marxienne pour ĂȘtre fascinĂ© par l’historien français. Encore faut-il resituer ce simplisme dans un moment historique, celui de la dĂ©couverte de l’histoire des luttes populaires, exclues jusqu’alors des rĂ©cits nationaux officiels. L’application Ă  l’histoire des sociĂ©tĂ©s du concept de lutte des classes, mĂȘme fortement teintĂ© de schĂ©matisme, permis de dĂ©velopper comme le souligne Eric Hobsbawm, des charges concentrĂ©es d’explosif intellectuel, conçues pour dĂ©truire des parties cruciales de l’histoire traditionnelle, et donc immensĂ©ment puissantes – peut-ĂȘtre plus puissantes que ne l’auraient Ă©tĂ© des versions moins simplistes du matĂ©rialisme historique, et certainement assez puissantes par leur capacitĂ© Ă  Ă©clairer des endroits jusque-lĂ  obscurs pour satisfaire les historiens pendant trĂšs longtemps [61] ». En ce sens cette histoire primitive » des luttes des classes, inspirĂ©e d’Augustin Thierry, eut son efficacitĂ©, avant que la rĂ©pĂ©tition d’affirmations dogmatiques ne devienne un frein Ă  la comprĂ©hension des processus historiques. 35 Quant aux dĂ©veloppements et notes de Marx sur Thierry, remis dans leur contexte d’écriture, ils rĂ©vĂšlent les difficultĂ©s inhĂ©rentes Ă  l’écriture d’une histoire des luttes de classes. François Furet soulignait avec ironie les contradictions de la lecture marxienne de l’histoire – notamment son absence de vision cohĂ©rente de la RĂ©volution française – et l’impossible Ă©criture de l’histoire d’un point de vue marxiste, sauf Ă  cĂ©der Ă  un dĂ©terminisme Ă©conomiste Ă©vacuant l’autonomie du politique, ce vers quoi Marx aurait finalement tendu aprĂšs 1848 [62]. En rĂ©alitĂ©, la sensibilitĂ© de Marx Ă  la rĂ©volution » municipale de l’époque mĂ©diĂ©vale et aux luttes de classes Ă  l’échelle de plusieurs siĂšcles, montre certes qu’il existe une tension entre sa prise en compte du surgissement de l’évĂ©nement rĂ©volutionnaire 1789, 1848 puis plus tard 1871 et son analyse des mĂ©tamorphoses d’une classe sociale Ă  l’échelle de plusieurs siĂšcles. Mais cette tension permet d’ouvrir plusieurs voies pour l’analyse des luttes de classes, laissant le soin Ă  d’autres d’écrire des Ă©tudes fouillĂ©es sur la question [63]. 36 DĂšs les lendemains de la mort de Marx, on retrouve ces difficultĂ©s dans les premiĂšres contributions historiques qui entendent comprendre l’histoire rĂ©volutionnaire Ă  la lumiĂšre de la lutte de classes. En 1889, Karl Kautsky propose un panorama des luttes de classes sous l’Ancien RĂ©gime et pendant la RĂ©volution française, en insistant sur les contradictions de classes Ă  l’échelle de plusieurs siĂšcles, selon un schĂ©ma assez proche de celui d’Augustin Thierry, quoique nettement plus concentrĂ© sur la pĂ©riode rĂ©volutionnaire. Dix ans plus tard, Jean JaurĂšs, rĂ©agissant Ă  ce qu’il juge ĂȘtre un marxisme Ă©troit, concentre l’essentiel des dĂ©buts de sa grande fresque dĂ©diĂ©e Ă  l’histoire de France aux quatre annĂ©es 1789-1794, oĂč les luttes de classes sont envisagĂ©es principalement dans le cadre de l’évĂ©nement rĂ©volutionnaire [64]. L’un et l’autre proposent une lecture qui se revendique explicitement de Marx. PlutĂŽt que vouloir dĂ©terminer lequel des deux est le plus proche de Marx, constatons que l’un et l’autre lui sont d’une certaine maniĂšre fidĂšles ils en radicalisent, chacun dans leur contexte politico-intellectuel, l’une des intuitions mĂ©thodologiques. Leur controverse amorce une longue sĂ©quence historiographique oĂč, au sein du marxisme, le temps court de la rĂ©volution et le temps long de la transition historique seront Ăąprement dĂ©battus. Le paradoxe est que la grande fresque d’Augustin Thierry sur l’histoire du Tiers-État Ă©tait entretemps tombĂ©e dans l’oubli, aprĂšs avoir pourtant Ă©tĂ© l’une des Ɠuvres historiques ayant suscitĂ© la rĂ©flexion marxienne Ă  un moment crucial de l’histoire des rĂ©volutions en Europe. Notes [1] Marx Karl, Engels Friedrich, Correspondance. Tome III janvier 1852 – juin 1853, Paris, Éditions Sociales, 1972, p. 79. Lettre du 5 mars 1852 de Karl Marx Ă  Joseph Weydemeyer. [2] Idem. [3] Sur la dictature du prolĂ©tariat » chez Marx voir Draper Hal, Karl Marx’s Theory of Revolution. Vol. III The Dictatorship of the Proletariat, New-York, Monthly Review Press, 1986. [4] Marx Karl, Engels Friedrich, Correspondance. Tome IV juillet 1852-juin 1957, Paris, Éditions Sociales, 1974, p. 148. Lettre du 27 juillet 1854 de Karl Marx Ă  Friedrich Engels. [5] Thierry Augustin, Essai sur l’histoire de la formation et des progrĂšs du Tiers-État, Paris, Furne, 1853. [6] Hobsbawm Eric, Marx et l’histoire, Paris, Demopolis, 2008, p. 62. [7] Hobsbawm Eric, Et le monde changea. RĂ©flexions sur Marx et le marxisme de 1840 Ă  nos jours, Paris, Actes Sud, 2013, p. 45. [8] Nous mentionnons dĂ©sormais dans cet article l’ouvrage d’Augustin Thierry sous cette forme abrĂ©gĂ© d’Essai. [9] La derniĂšre Ă©dition remonte en effet Ă  1883-1884. [10] Marx Karl, Engels Friedrich, Exzerpte und Notizen. September 1853 bis Januar 1855 Marx Engels Gesamtausabe IV/12, Berlin, Akademie Verlag, 2007, pp. 513-580. [11] Gauchet Marcel Les Lettres sur l’histoire de France d’Augustin Thierry », in Nora Pierre dir., Les lieux de mĂ©moire, La Nation II, Paris, Gallimard, 1986, p. 251. Gauchet Ă©voque principalement les Lettres sur l’histoire de France de Thierry dont une nouvelle Ă©dition des Lettres a paru aux Classiques Garnier en 2014 mais trĂšs peu l’Essai sur l’histoire, il est vrai hors de son cadre chronologique qui se limite aux annĂ©es 1830. [12] Venayre Sylvain, Les Origines de la France. Quand les historiens inventaient la nation, Paris, Seuil, 2013. Signalons Ă©galement Aramini AurĂ©lien, L’ArchĂ©ologie linguistique du pouvoir et du peuple chez Augustin Thierry », Revue d’histoire du xix e siĂšcle, no 49, 2014, pp. 179-193. [13] [14] Sur ce point voir la bibliographie et les rĂ©flexions de Mazauric Claude, L’Histoire de la RĂ©volution française et la pensĂ©e marxiste, Paris, Puf, 2009. [15] Marx Karl, Recension du livre de François Guizot Pourquoi la rĂ©volution d’Angleterre a-t-elle rĂ©ussi ? Discours sur l’histoire de la rĂ©volution d’Angleterre, Paris, 1850 » in Furet François, Marx et la RĂ©volution française, Paris, Flammarion, 1986, pp. 230-232. [16] Marx Karl, Engels Friedrich, Exzerpte und Notizen. Kreuznacher Hefte u. a. 1843 bis Januar 1845 Marx Engels Gesamtausgabe. IV/2, Berlin, Akademie Verlag, 1981, pp. 148-150. [17] Schmidt Ernst Alexander, Geschichte von Frankreich, Hamburg, Perthes, 1835-1848. [18] Thierry Augustin, Entstehung und Ausbildung des Tiers-Etat in Frankreich bis zur Zeit der Renaissance. Historische Skizze, Zerbst, Druck und Verlag der Kummerschen Buchhandlung, 1847. [19] Marx Karl, Engels Friedrich, L’IdĂ©ologie allemande, Paris, Éditions Sociales, 1976, pp. 465-479. [20] Thierry Augustin, Essai sur l’histoire
, op. cit., p. 237. [21] Ibidem, p. 17. [22] Venayre Sylvain, Les Origines de la France, op. cit., p. 105. [23] Marx Karl, Engels Friedrich, Correspondances. Tome IV, op. cit., p. 148. [24] L’original est ici restituĂ© dans nos notes. [25] Marx Karl, Engels Friedrich, Exzerpte und Notizen. September 1853 bis Januar 1855, op. cit., p. 523 Erste apparition d’une pensĂ©e politique des classes roturiĂšres ». [26] Ibidem, p. 554. [27] Ibidem, p. 562 Im xiiI Jhh. Eine erste Revolution ». Il insiste ensuite sur la Municipalrevolution » p. 571. [28] Marx Karl, Engels Friedrich, Correspondances, op. cit, t. 4. p. 149. [29] Marx Karl, Engels Friedrich, Exzerpte und Notizen. September 1853 bis Januar 1855, op. cit., p. 520 Analogie in der sĂ©rie der rĂ©volutions municipales du xii Jhh. m. der constitutionellen Bewegung im 19t. L’imitation y joua un rĂŽle considĂ©rable ». [30] Outre Venayre Sylvain, Les Origines de la France, op. cit., voir Schreiner Klaus Kommune Bewegung’ und Zunftrevolution’. Zur Gegenwart der mittelalterlichen Stadt im historisch-politischen Denken des 19. Jahrhunderts », in Setzler Wilfried dir. Stadtverfassung, Verfassungsstaat, Pressepolitik. Festschrift fĂŒr Eberhard Naujoks zum 65. Geburstag, Sigmaringen, 1980, pp. 139-168. [31] Engel Evamaria, Mittelalterliches StĂ€dtebĂŒrgertum und Zunftwesen in der Auffassung von Karl Marx », in KĂŒttler Wolfgang dir., Das geschichtswissenschaftliche Erbe von Karl Marx, Berlin, Akademie Verlag, 1983, p. 218. [32] Ibidem, pp. 207-208. [33] La MEGA n’a pas encore publiĂ© ces notes mais un aperçu de celles-ci existe en russe, l’original en allemand n’ayant jamais Ă©tĂ© publiĂ©. Elles traitent notamment des luttes sociales pendant les xiv e et xv e siĂšcles. Voir Archives de Marx et Engels, Moscou, t. VI, p. 387. [34] Aron Raymond, La Lutte de classes nouvelles leçons sur la sociĂ©tĂ© industrielle, Paris, Gallimard, 1964, p. 45. [35] Bidet Jacques, L’État-monde. LibĂ©ralisme, socialisme et communisme Ă  l’échelle globale refondation du marxisme, Paris, Puf, 2011. [36] Venayre Sylvain, Les Origines de la France, op. cit., p. 283. [37] Marx Karl, Engels Friedrich, Exzerpte und Notizen. September 1853 bis Januar 1855, op. cit., p. 550 Die Arbeit der fzs. Gesellschaft seit dem xii Jhh. aboutiert in der monarchie absolue, son second point de dĂ©part ». [38] Ibidem, p. 541 Der cahier des tiers v. 1615 vaste programme de rĂ©formes, wovon les unes exĂ©cutĂ©es durch die grands ministres des xvii Jhh., die andre 1789 ». [39] Marx Karl, Engels Friedrich, Correspondances. Tome IV, op. cit., p. 149. [40] Marx Karl, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Paris, Le Livre de Poche, 2007, p. 255. [41] La mĂȘme prĂ©occupation se retrouve dans La guerre civile en France 1871, notamment dans ses brouillons prĂ©paratoires. [42] Marx Karl, Engels Friedrich, Correspondances. Tome IV, op. cit., p. 149. [43] Idem. [44] Voir Ă  ce propos les travaux de Stephen Sawyer sur Louis Blanc, par exemple The Liberal Origins of Louis Blanc’s Republican State », The Tocqueville Review/La Revue Tocqueville, Vol. XXXIII, no 2, pp. 141-163. [45] StĂ©panova EugĂ©nia et al., Karl Marx, sa vie, son Ɠuvre, Moscou, Éditions du progrĂšs, 1973, p. 278. [46] Histoire de la France de la RĂ©volution de 1789 Ă  la fin de la PremiĂšre guerre mondiale, Moscou, Édition du progrĂšs, 1973-1978, t. 2, p. 201-202. [47] Soboul Albert, JaurĂšs, Mathiez et l’histoire de la RĂ©volution française », Annales Historiques de la RĂ©volution française, no 237, 1979, p. 447. [48] Renault Emmanuel, Marx et la philosophie, Paris, Puf, 2014, p. 40. [49] Bebel August et Bernstein Eduard, Der Briefwechsel zwischen Friedrich Engels und Karl Marx, 1844 bis 1883, Stutttgart, Dietz, 1913. [50] Mehring Franz, Neue BeitrĂ€ge zur Biographie von Karl Marx und Friedrich Engels », Die neue Zeit Wochenschrift der deutschen Sozialdemokratie, DeuxiĂšme tome, cahier 31, 1906-1907, pp. 160-168. [51] Tosel AndrĂ©, Le Marxisme du vingtiĂšme siĂšcle, Paris, Syllepse, 2009. [52] L’URSS diffusera ses Ɠuvres en plusieurs langues, dont le français, jusqu’aux annĂ©es 1980. Voir ses ƒuvres philosophiques, Moscou, Éditions du progrĂšs, 1961-1983, 5 tomes. [53] Plekhanov Georges, Augustin Thierry et la conception matĂ©rialiste de l’histoire », Le Devenir social, no 8, novembre 1895, pp. 693-709. Le texte est Ă©trangement absent de l’édition française des ƒuvres philosophiques. [54] La revue publie des textes importants de Marx et d’Engels et une sĂ©rie de textes sur le matĂ©rialisme historique. C’est Ă  cette revue que l’on doit la premiĂšre Ă©dition en brochure du Manifeste du parti communiste 1895 ; voir Cahen Jacqueline, Les premiers Ă©diteurs de Marx et Engels en France 1880-1901 », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 2011, pp. 20-37. [55] Plekhanov se rĂ©fĂšre notamment Ă  plusieurs ouvrages regroupĂ©s dans les ƒuvres complĂštes d’Augustin Thierry Ă©dition de 1840, puis augmentĂ©e et rĂ©imprimĂ©e Ă  plusieurs reprises. [56] À noter que dans l’Histoire de France publiĂ©e en URSS le seul marxiste qui puisse faire concurrence » Ă  la brĂšve citation de Marx de 1854 est Georges Plekhanov, dont deux textes portant sur Augustin Thierry sont citĂ©s et mentionnĂ©s. [57] Plekhanov Georges, PrĂ©face au Manifeste du parti communiste », ƒuvres philosophiques, op. cit., t. 2 p. 491. [58] Ibidem, p. 488. [59] Ibidem, p. 489. [60] Aramini AurĂ©lien, L’ArchĂ©ologie linguistique du pouvoir et du peuple chez Augustin Thierry », art. citĂ©, p. 179. [61] Hobsbawm Eric, Marx et l’histoire, Paris, Demopolis, 2008, p. 45. [62] Furet François, Marx et la RĂ©volution française, Paris, Flammarion, 1986. [63] Pour une approche synthĂ©tique du marxisme Ă  l’histoire voire Ducange Jean-Numa et Mazauric Claude, Marxisme », in Gauvard Claude et Sirinelli Jean-François dir., Dictionnaire de l’historien, Paris, Puf, 2015 Ă  paraĂźtre. [64] JaurĂšs Jean, Kautsky Karl, Socialisme et RĂ©volution française, Paris, Demopolis, 2010. Sila Chine est officiellement un pays socialiste, oĂč le Marxisme est inscrit dans la constitution, en vĂ©ritĂ©, les concepts de lutte des classes et derĂ©volution des travailleurs ont depuis longtemps Ă©tĂ© abandonnĂ©s dans le pays, qui a adoptĂ© une sĂ©rie de rĂ©formes du marchĂ© dĂšs la fin des 70s et s’est depuis hissĂ© au rang de deuxiĂšme Ă©conomie mondiale. Aujourd’hui, RenĂ©e Fregosi Jean-Luc MĂ©lenchon ne peut pas ĂȘtre le vote utile des Ă©lecteurs de gauche»FIGAROVOX/TRIBUNE - SĂ©golĂšne Royal a affirmĂ© que le vote utile Ă  gauche Ă©tait Jean-Luc MĂ©lenchon. La politologue juge qu'au contraire, en reprenant Ă  son compte les thĂ©ories dĂ©coloniales et racialistes, le candidat LFI est trop Ă©loignĂ© des aspirations des classes populaires. Ascension sociale Entre les transfuges de classe et leurs parents, le fossĂ© se crĂ©e trĂšs tĂŽt»ENTRETIEN - Fils d'agriculteurs, filles d'aides-soignantes, ces transfuges de classe sont devenus Ă©crivains, Ă©lus politiques. Dans un livre, le journaliste Adrien Naselli met en lumiĂšre le rĂŽle de leurs parents, qui ne les ont pas lĂąchĂ©s». Gilles-William Goldnadel La gauche a quittĂ© la lutte des classes pour la lutte des races»FIGAROVOX/CHRONIQUE - Sandrine Rousseau a notamment affirmĂ© sur Europe 1 Les femmes, les noirs, les musulmans sont des rĂ©sistants de fait [...] L'Ă©cologie ce n'est pas des hommes blancs Ă  vĂ©lo dans les villes». L'avocat estime que ces propos rĂ©vĂšlent le basculement indigĂ©niste de l'ensemble de la gauche. JĂ©rĂŽme Sainte-Marie La cristallisation du bloc populaire peut aboutir Ă  la dĂ©faite de Macron»GRAND ENTRETIEN - C’est le livre d’un sondeur, qui dĂ©crypte les chiffres, mais aussi celui d’un thĂ©oricien et sociologue capable d’analyser les mouvements profonds de la sociĂ©tĂ©. Dans un essai majeur, Bloc contre bloc. La dynamique du macronisme, publiĂ© aux Éditions du Cerf, JĂ©rĂŽme Sainte-Marie montre le retour de la lutte des classes dans une sociĂ©tĂ© qui se divise dĂ©sormais en deux blocs Ă©litaire et populaire. François d'Orcival Quand le jaune a virĂ© au rouge»CHRONIQUE - Comment le mouvement des gilets jaunes» a fini par ĂȘtre contaminĂ© et dĂ©naturĂ© par l'idĂ©ologie d'extrĂȘme gauche. La lutte des classes ne correspond plus Ă  la rĂ©alitĂ© de la sociĂ©tĂ© d'aujourd'hui » Nicolas Baverez Le spectre de Marx»CHRONIQUE - La crise traversĂ©e par le capitalisme mondialisĂ© et les dĂ©mocraties libĂ©rales semblent redonner une singuliĂšre actualitĂ© Ă  certaines idĂ©es du thĂ©oricien de la lutte des classes, explique Nicolas Baverez. Mais d'oĂč vient la haine des riches ?»FIGAROVOX/ANALYSE - Philippe Fabry voit dans l'histoire sociale du XIXe siĂšcle, marquĂ©e par le suffrage censitaire jusqu'en 1848 et l'interdiction des syndicats jusqu'en 1884, l'explication de l'hostilitĂ© française Ă  l'Ă©gard des riches. L'argent est enviĂ© et le patron, toujours coupable d'oppression dans la psychologie collective, dĂ©testĂ© par beaucoup. Guillaume Roquette La fin de la lutte des classes ?ȃDITORIAL - Pour le directeur de la rĂ©daction du Figaro Magazine, les Français semblent avoir enfin rompu avec un demi-siĂšcle de conservatisme social. Pour une majoritĂ© de Français, la lutte des classes existe toujoursGauche, droite, Front national... Quelle que soit leur couleur politique, les Français sont deux tiers Ă  estimer que la lutte des classes reste une rĂ©alitĂ© aujourd'hui dans l'Hexagone, selon le BaromĂštre des Ă©vĂ©nements Ă©conomiques Odoxa-MCI. Air France, Jean-Luc MĂ©lenchon et la lutte des classesFIGAROVOX/ANALYSE - Laurent Bouvet revient sur la crise Ă  Air France et les propos tonitruants du leader du Front de gauche prĂȘt Ă  aller en prison Ă  la place des salariĂ©s de la compagnie». La CNT, syndicat anarcho rĂ©volutionnaire, appelle Ă  la grĂšve gĂ©nĂ©raleCe groupuscule qui prĂŽne l'abolition des classes est contre les patrons, contre le salariat, contre l'État». Il profite de l'appel Ă  la mobilisation le 9 avril de la CGT et FO pour faire parler de lui. Et recruter quelques militants radicaux. JaurĂšs serait-il socialiste aujourd'hui ?FIGAROVOX/TRIBUNE - Alors que François Hollande se rend mercredi 23 avril Ă  Albi et Carmaux pour rendre hommage Ă  Jean JaurĂšs, le philosophe Claude Obadia combat les idĂ©es prĂ©conçues Ă  l'Ă©gard du dĂ©putĂ© du Tarn, notamment sur le progrĂšs social, la religion et l'identitĂ© europĂ©enne. Le retour de la lutte des classesVoici les premiers paragraphes de la nouvelle lettre


LorsquedĂ©buta la rĂ©volution de 1848, Marx avait complĂštement construit sa thĂ©orie matĂ©rialiste de l’histoire, mais il n’avait pas encore d’expĂ©rience politique : aussi la ligne stratĂ©gique et tactique qu’il adopta fut-elle changeante selon la confiance qu’il put avoir dans l’efficacitĂ© rĂ©volutionnaire des diffĂ©rentes

Karl Marx 1818-1883 Les luttes de classes en France 1848-1850 1 - de fĂ©vrier Ă  juin 1848 Ă©ditions sociales " La pĂ©nurie financiĂšre mit, dĂšs le dĂ©but, la monarchie de Juillet sous la dĂ©pendance de la haute bourgeoisie et cette dĂ©pendance devint la source inĂ©puisable d'une gĂȘne financiĂšre croissante. L'endettement de l’État Ă©tait d'un intĂ©rĂȘt direct pour la fraction de la bourgeoise qui gouvernait et lĂ©gifĂ©rait au moyen des Chambres. C'Ă©tait prĂ©cisĂ©ment le dĂ©ficit de l'Etat, qui Ă©tait l'objet mĂȘme de ses spĂ©culations et le poste principal de son enrichissement. A la fin de chaque annĂ©e, nouveau dĂ©ficit. Au bout de quatre ou cinq ans, nouvel emprunt. Or chaque nouvel emprunt fournissait Ă  l'aristocratie financiĂšre une nouvelle occasion de rançonner l’État, qui, maintenu artificiellement au bord de la banqueroute, Ă©tait obligĂ© de traiter avec les banquiers dans les conditions les plus dĂ©favorables. Chaque nouvel emprunt Ă©tait une nouvelle occasion de dĂ©valiser le public qui place ses capitaux en rentes sur l’État, au moyen d'opĂ©rations de Bourse, au secret desquelles gouvernement et majoritĂ© de la Chambre Ă©taient initiĂ©es. En gĂ©nĂ©ral, l'instabilitĂ© du crĂ©dit public et la connaissance des secrets d’État permettaient aux banquiers, ainsi qu'Ă  leurs affiliĂ©s dans les Chambres et sur le trĂŽne, de provoquer dans le cours des valeurs publiques des fluctuations insolites et brusques dont le rĂ©sultat constant ne pouvait ĂȘtre que la ruine d'une masse de petits capitalistes et l'enrichissement fabuleusement rapide des grands spĂ©culateurs... En outre, les sommes Ă©normes passant ... entre les mains de l'Etat laissaient place Ă  des contrats de livraison frauduleux, Ă  des corruptions, Ă  des malversations et Ă  des escroqueries de toute espĂšce. Le pillage de l’État en grand, tel qu'il se pratiquait au moyen des emprunts, se renouvelait en dĂ©tail dans les travaux publics. ... La monarchie de Juillet n'Ă©tait qu'une sociĂ©tĂ© par actions fondĂ©e pour l'exploitation de la richesse nationale française dont les dividendes Ă©taient partagĂ©s entre les ministres, les Chambres, Ă©lecteurs et leur sĂ©quelle... Le commerce, l'agriculture, la navigation, les intĂ©rĂȘts de la bourgeoisie industrielle ne pouvaient ĂȘtre que menacĂ©s et lĂ©sĂ©s sans cesse par ce systĂšme. Aussi, celle-ci avait-elle inscrit sur son drapeau, pendant les journĂ©es de Juillet Gouvernement Ă  bon marchĂ©. Pendant que l'aristocratie financiĂšre dictait ses lois, dirigeait la gestion de l'Etat, disposait de tous les pouvoirs publics constituĂ©s, dominait l'opinion publique par la force des faits et par la presse, dans toutes les sphĂšres, depuis la cour jusqu'au cafĂ© borgne, se reproduisait la mĂȘme prostitution, la mĂȘme tromperie Ă©hontĂ©e, la mĂȘme soif de s'enrichir, non point par la production, mais par l'escamotage de la richesse d'autrui dĂ©jĂ  existante. C'est notamment aux sommets de la sociĂ©tĂ© bourgeoise que l'assouvissement des convoitises les plus malsaines et les plus dĂ©rĂ©glĂ©es se dĂ©chaĂźnait et entrait Ă  chaque instant en conflit avec les lois bourgeoises elles-mĂȘmes, car c'est lĂ  oĂč la jouissance devient crapuleuse, lĂ  oĂč l'or, la boue, le sang s'entremĂȘlent que tout naturellement la richesse provenant du jeu recherche sa satisfaction. La bourgeoisie industrielle voyait ses intĂ©rĂȘts menacĂ©s, la petite bourgeoisie Ă©tait moralement indignĂ©e, l'imagination populaire s'insurgeait, Paris Ă©tait inondĂ© de pamphlets... Enfin deux Ă©vĂšnements Ă©conomiques mondiaux prĂ©cipitĂšrent l'explosion du malaise gĂ©nĂ©ral et mĂ»rirent le mĂ©contentement jusqu'Ă  la rĂ©volte. ... La maladie de la pomme de terre et les mauvaises rĂ©coltes de 1845 et 1846 accentuĂšrent l'effervescence gĂ©nĂ©rale dans le peuple. Le renchĂ©rissement de la vie en 1847 provoqua en France comme sur tout le reste du contient des conflits sanglants. Face aux orgies scandaleuses de l'aristocratie financiĂšre, c'Ă©tait la lutte du peuple pour les moyens d'existence les plus Ă©lĂ©mentaires! A Buzançais, on executa des Ă©meutiers de la faim, Ă  Paris des escrocs repus Ă©taient soustraits aux tribunaux par la famille royale! Le second grand Ă©vĂšnement Ă©conomique qui hĂąta l'explosion de la rĂ©volution fut une crise gĂ©nĂ©rale du commerce et de l'industrie en Angleterre... Les ravages causĂ©s dans le commerce et l'industrie par la crise Ă©conomique rendaient encore plus insupportable l'omnipotence de l'aristocratie financiĂšre. L'opposition bourgeoise souleva dans toute la France l'agitation des banquets en faveur d'une rĂ©forme Ă©lectorale qui devait lui conquĂ©rir la majoritĂ© dans les Chambres et renverser le ministĂšre de la bourse. Le Gouvernement provisoire qui surgit des barricades de FĂ©vrier reflĂ©tait nĂ©cessairement dans sa composition les divers partis qui se partageaient la victoire. Il ne pouvait ĂȘtre qu'un compromis entre les diffĂ©rentes classes qui avaient renversĂ© ensemble le trĂŽne de Juillet, mais dont les intĂ©rĂȘts s'opposaient avec hostilitĂ©. Il Ă©tait composĂ© en majoritĂ© de reprĂ©sentants de la bourgeoisie. La petite bourgeoisie rĂ©publicaine Ă©tait reprĂ©sentĂ©e par Ledru-Rollin et Flocon; la bourgeoisie rĂ©publicaine par les gens du National , l'opposition dynastique par CrĂ©mieux, Dupont de l'Eure, etc. La classe ouvriĂšre ne possĂ©dait que deux reprĂ©sentants, Louis Blanc et Albert. Lamartine, enfin, dans le Gouvernement provisoire, n'Ă©tait lĂ , au premier abord, pour aucun intĂ©rĂȘt rĂ©el, pour aucune classe dĂ©terminĂ©e; c'Ă©tait la rĂ©volution de FĂ©vrier elle-mĂȘme, le soulĂšvement commun avec ses illusions, sa poĂ©sie, son contenu imaginaire et ses phrases. Mais au fond le porte-parole de la rĂ©volution de FĂ©vrier, par sa position comme par ses opinions, appartenait Ă  la bourgeoisie. Si Paris, par suite de la centralisation politique, domine la France, les ouvriers dominent Paris dans les moments de sĂ©ismes rĂ©volutionnaires. La premiĂšre manifestation d'existence du Gouvernement provisoire fut la tentative de se soustraire Ă  cette influence prĂ©dominante en en appelant de Paris enivrĂ© au sang-froid de la France. Lamartine contesta aux combattants des barricades le droit de proclamer la RĂ©publique, disant que seule la majoritĂ© des Français avait qualitĂ© pour le faire, qu'il fallait attendre leur vote, que le prolĂ©tariat parisien ne devait pas souiller sa victoire par une usurpation.. Le 25 fĂ©vrier, vers midi, la RĂ©publique n'Ă©tait pas encore proclamĂ©e, mais, par contre, tous les ministĂšres Ă©taient dĂ©jĂ  rĂ©partis entre les Ă©lĂ©ments bourgeois du Gouvernement provisoire et entre les gĂ©nĂ©raux, banquiers et avocats du National. Mais cette fois, les ouvriers Ă©taient rĂ©solus Ă  ne plus tolĂ©rer un escamotage semblable Ă  celui de juillet 1830. Ils Ă©taient prĂȘts Ă  engager Ă  nouveau le combat et Ă  imposer la RĂ©publique par la force des armes. C'est avec cette mission que Raspail se rendit Ă  l'HĂŽtel de Ville. Au nom du prolĂ©tariat parisien, il ordonna au Gouvernement provisoire de proclamer la RĂ©publique, dĂ©clarant que si cet ordre du peuple n'Ă©tait pas exĂ©cutĂ© dans les deux heures, il reviendrait Ă  la tĂȘte de hommes. Les cadavres des combattants Ă©taient encore Ă  peine refroidis, les barricades n'Ă©taient pas enlevĂ©es, les ouvriers n'Ă©taient pas dĂ©sarmĂ©s et la seule force qu'on pĂ»t leur opposer Ă©tait la garde nationale. Dans ces circonstances, les considĂ©rations politiques et les scrupules juridiques du Gouvernement provisoire s'Ă©vanouirent brusquement. Le dĂ©lai de deux heures n'Ă©tait pas encore Ă©coulĂ© que dĂ©jĂ  sur tous les murs de Paris s'Ă©talaient en caractĂšres gigantesques RĂ©publique française! LibertĂ©, ÉgalitĂ©, FraternitĂ©! ... Le mot qui rĂ©pondait Ă  cette suppression imaginaire des rapports de classe, c'Ă©tait la FraternitĂ©, la fraternisation et la fraternitĂ© universelles. Cette abstraction dĂ©bonnaire des antagonismes de classes, cet Ă©quilibre sentimental des intĂ©rĂȘts de classe contradictoires, cette exaltation enthousiaste au-dessus de la lutte de classes, la FraternitĂ© fut vraiment la devise de la rĂ©volution de FĂ©vrier. C'Ă©tait un simple malentendu qui sĂ©parait les classes et le 24 fĂ©vrier, Lamartine baptisa le Gouvernement provisoire "Un gouvernement qui suspend ce malentendu terrible entre les diffĂ©rentes classes" . Le prolĂ©tariat de Paris se laissa aller Ă  cette gĂ©nĂ©reuse ivresse de fraternitĂ©. De son cĂŽtĂ©, le Gouvernement provisoire, une fois contraint de proclamer la RĂ©publique, fit tout pour la rendre acceptable Ă  la bourgeoisie et aux provinces... La jeune RĂ©publique chercha comme son principal mĂ©rite, Ă  n'effaroucher personne, Ă  s'effrayer plutĂŽt elle-mĂȘme continuellement et, par sa mansuĂ©tude, sa vie passive, Ă  acquĂ©rir le droit Ă  la vie et dĂ©sarmer les rĂ©sistances. ... Le Gouvernement provisoire voulait dĂ©pouiller la RĂ©publique de son apparence antibourgeoise. Il lui fallut donc, avant tout, chercher Ă  assurer la valeur d'Ă©change de cette nouvelle forme d’État, son cours en Bourse. Pour Ă©carter jusqu'au soupçon qu'il ne voulait ou ne pouvait satisfaire aux obligations que lui lĂ©gua la monarchie, pour redonner confiance en la moralitĂ© bourgeoise et en la solvabilitĂ© de la RĂ©publique, le Gouvernement provisoire eut recours Ă  une fanfaronnade aussi puĂ©rile qu'indigne. Avant le ternie de l'Ă©chĂ©ance lĂ©gale, il paya aux crĂ©anciers de l'État les intĂ©rĂȘts des 5 %, 4 1/2 % et 4 %. L'aplomb bourgeois, l'assurance des capitalistes se rĂ©veillĂšrent brusquement, quand ils virent la hĂąte anxieuse avec laquelle on cherchait Ă  acheter leur confiance. Bien entendu, l'embarras financier du Gouvernement provisoire ne fut pas attĂ©nuĂ© par ce coup de théùtre qui le privait de l'argent comptant disponible. Il n'Ă©tait pas possible de dissimuler plus longtemps la gĂȘne financiĂšre, et ce fut aux petits bourgeois, employĂ©s et ouvriers Ă  payer l'agrĂ©able surprise mĂ©nagĂ©e aux crĂ©anciers de l' livrets de caisse d'Ă©pargne dont le montant dĂ©passait 100 francs furent dĂ©clarĂ©s non remboursables en argent. Les sommes dĂ©posĂ©es dans les caisses d'Ă©pargne furent confisquĂ©es et converties, par voie de dĂ©cret, en dette d'État non petit bourgeois, dĂ©jĂ  bien assez rĂ©duit Ă  la misĂšre, en fut irritĂ© contre la RĂ©publique. Ayant reçu Ă  la place de son livret de caisse d'Ă©pargne, des bons du TrĂ©sor, il fut contraint d'aller les vendre Ă  la Bourse et de se livrer ainsi directement aux mains des Juifs de la Bourse contre lesquels il avait fait la rĂ©volution de financiĂšre qui rĂ©gnait sous la monarchie de Juillet avait dans la Banque son Église Ă©piscopale. De mĂȘme que la Bourse rĂ©git le crĂ©dit public, la Ban-que gouverne le crĂ©dit menacĂ©e par la rĂ©volution de FĂ©vrier, non seulement dans sa domination, mais dans son existence, la Banque s'appliqua, dĂšs le dĂ©but, Ă  discrĂ©diter la RĂ©publique en gĂ©nĂ©ralisant la fermeture du crĂ©dit. Brusquement, elle dĂ©nonça tout crĂ©dit aux banquiers, aux fabricants, aux commerçants. Comme cette manƓuvre ne provoqua pas de contre-rĂ©volution immĂ©diate, elle eut nĂ©cessairement son contrecoup sur la Banque elle-mĂȘme. Les capitalistes retirĂšrent l'argent qu'ils avaient dĂ©posĂ© dans ses caves. Les possesseurs de billets de banque se prĂ©cipitĂšrent Ă  sa caisse pour les Ă©changer contre de l'or et de l' Gouvernement provisoire pouvait, sans recourir Ă  la violence de façon lĂ©gale,acculer la Banque Ă  la banqueroute; il n'avait qu'Ă  observer une attitude passive et Ă  abandonner la Banque Ă  son propre sort. La banqueroute de la Banque, c'Ă©tait le dĂ©luge balayant en un clin d'Ɠil du sol français l'aristocratie financiĂšre, le plus puissant et le plus dangereux ennemi de la RĂ©publique, le piĂ©destal d'or de la monarchie de Juillet. Une fois la Banque en faillite, la bourgeoisie Ă©tait obligĂ©e de considĂ©rer elle-mĂȘme comme une derniĂšre tentative de sauvetage dĂ©sespĂ©rĂ©e la crĂ©ation parle gouvernement d'une banque nationale et la subordination du crĂ©dit national au contrĂŽle de la nation. Le Gouvernement provisoire, au contraire, donna cours forcĂ© aux billets de ban-que. Il fit mieux. Il transforma toutes les banques de province en succursales de la Banque de France, lui permettant de jeter son rĂ©seau sur le pays tout entier. Plus tard,il engagea auprĂšs d'elle les forĂȘts domaniales en garantie de l'emprunt qu'il contracta envers elle. C'est ainsi que la rĂ©volution de FĂ©vrier consolida et Ă©largit directement la bancocratie qu'elle devait renverser. Entre-temps, le Gouvernement provisoire se tordait sous le cauchemar d'un dĂ©ficit croissant. C'est en vain qu'il mendiait des sacrifices patriotiques. Seuls, les ouvriers lui jetĂšrent leur aumĂŽne. Il fallut recourir Ă  un moyen hĂ©roĂŻque, Ă  la promulgation d'un nouvel impĂŽt. Mais qui imposer? Les loups-cerviers de la Bourse, les rois de la Banque, les crĂ©anciers de l'État, les rentiers, les industriels? Ce n'Ă©tait point lĂ  un moyen de faire accepter en douceur la RĂ©publique par la bourgeoisie. C'Ă©tait, d'un cĂŽtĂ©, mettre en pĂ©ril le crĂ©dit de l'État et celui du commerce, que l'on cherchait,d'autre part, Ă  acheter au prix de si grands sacrifices, de si grandes humiliations. Mais il fallait que quelqu'un casquĂąt. Qui fut sacrifiĂ© au crĂ©dit bourgeois ? Jacques Bonhomme, le paysan. Le Gouvernement provisoire Ă©tablit un impĂŽt additionnel de 45 centimes par franc sur les quatre impĂŽts directs. La presse gouvernementale essaya de faire accroire au prolĂ©tariat de Paris que cet impĂŽt affecterait de prĂ©fĂ©rence la grosse propriĂ©tĂ© fonciĂšre, les possesseurs du milliard octroyĂ© par la Restauration. Mais, en rĂ©alitĂ©, l'impĂŽt atteignit avant tout la classe paysanne, c'est-Ă -dire la grande majoritĂ© du peuple français. Ce sont les paysans qui durent payer les frais de la rĂ©volution de FĂ©vrier,c'est chez eux que la contre-rĂ©volution puisa son principal contingent. L'impĂŽt de 45 centimes, c'Ă©tait une question de vie ou de mort pour le paysan français, il en fit une question de vie ou de mort pour la RĂ©publique. La RĂ©publique, pour le paysan français, ce fut dĂ©sormais l'impĂŽt des 45 centimes, et dans le prolĂ©tariat de Paris, il vit le dissipateur qui prenait du bon temps Ă  ses que la RĂ©volution de 1789 avait commencĂ© par dĂ©livrer les paysans des charges fĂ©odales, la rĂ©volution de 1848 s'annonçait par un nouvel impĂŽt sur la population rurale, afin de ne pas mettre en pĂ©ril le capital et d'assurer le fonctionne-ment du mĂ©canisme d' seul moyen par lequel le Gouvernement provisoire pouvait Ă©carter tous ces inconvĂ©nients et tirer l'État de son ancienne voie - c'Ă©tait de dĂ©clarer la banqueroute de l'État. On se souvient comment Ă  l'AssemblĂ©e nationale Ledru-Rollin fut pris aprĂšs coup d'une vertueuse indignation en dĂ©clarant qu'il rĂ©pudiait cette suggestion du boursier juif Fould, devenu ministre des Finances français. Fould lui avait tendu la pomme de l'arbre de la reconnaissant les traites que la vieille sociĂ©tĂ© bourgeoise avait tirĂ©es sur l'État,le Gouvernement provisoire s'Ă©tait mis Ă  sa discrĂ©tion. Il Ă©tait devenu le dĂ©biteur gĂȘnĂ© de la sociĂ©tĂ© bourgeoise au lieu de se poser en crĂ©ancier menaçant qui avait Ă recouvrer des crĂ©ances rĂ©volutionnaires remontant Ă  de nombreuses annĂ©es. Il lui fallut consolider les rapports bourgeois vacillants pour s'acquitter d'obligations qui ne sont Ă  remplir que dans le cadre de ces rapports. Le crĂ©dit devint une condition de son existence et les concessions, les promesses faites au prolĂ©tariat autant de chaĂźnes qu'il fallait briser. L'Ă©mancipation des travailleurs, mĂȘme comme simple phrase, devenait un danger intolĂ©rable pour la nouvelle RĂ©publique, car elle Ă©tait une protestation permanente contre le rĂ©tablissement du crĂ©dit qui repose sur la reconnaissance ininterrompue et inaltĂ©rable des rapports Ă©conomiques de, classes existants. Il fallait donc en finir avec les ouvriers. La rĂ©volution de FĂ©vrier avait rejetĂ© l'armĂ©e hors de Paris. La garde nationale,c'est-Ă -dire la bourgeoisie dans ses nuances variĂ©es, constituait la seule force. Cependant, elle se sentait Ă  elle seule infĂ©rieure au prolĂ©tariat. Au surplus, elle Ă©tait obligĂ©e,non sans y faire la rĂ©sistance la plus acharnĂ©e, non sans susciter cent obstacles divers,d'ouvrir peu Ă  peu ses rangs et, partiellement, d'y laisser entrer des prolĂ©taires ne restait donc qu'une seule issue opposer une partie des prolĂ©taires Ă  l'autre partie. Dans ce but, le Gouvernement provisoire forma 24 bataillons de gardes mobiles, de 1000 hommes chacun, composĂ©s de jeunes gens de 15 Ă  20 ans. Ils appartenaient pour la plupart au lumpen-prolĂ©tariat qui, dans toutes les grandes villes, constitue une masse nettement distincte du prolĂ©tariat industriel, pĂ©piniĂšre de voleurs et de criminels de toute espĂšce, vivant des dĂ©chets de la sociĂ©tĂ©, individus sans mĂ©tier avouĂ©, rĂŽdeurs, gens sans aveu et sans feu, diffĂ©rents selon le degrĂ© de culture de la nation Ă  laquelle ils appartiennent, ne dĂ©mentant jamais le caractĂšre de lazzaroni. ..." 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201210(of 500) Essais gratuits de Etudier | Karl Marx Le Manifeste fut rĂ©digĂ© afin de dĂ©montrer ce qu’est le communisme et de dĂ©montrer son but & pouvoir ainsi le Dissertations Sujets Fiches de lecture Tableau de Bord S'inscrire Home Page Lutte Des Classes Marx. Lutte Des Classes Marx Page 21 sur 50 - Environ 500 essais Examen de Philosophie 5382 mots | 22 pages Karl Contrairement Ă  une opinion parfois rĂ©pandue, Marx n’a pas dĂ©laissĂ© les questions du racisme et du colonialisme de son entreprise intellectuelle. C’est mĂȘme avec une plume acerbe qu’il s’y est opposĂ©. De l’esclavagisme au nazisme, en passant par le colonialisme, les classes dominantes ont utilisĂ© le racisme pour diviser la classe ouvriĂšre et justifier les guerres. Deux cents ans aprĂšs sa naissance, repartir des thĂšses de Marx offre-t-il un cadre d’analyse pour mieux comprendre l’origine du racisme et son lien avec le capitalisme, et pour trouver les moyens de le combattre ? Luttes de classes et antiracisme sont-ils, en somme, compatibles ? Contre une caricature du marxisme Aujourd’hui, pour certains dans la gauche, l’antiracisme serait une question secondaire, la seule contradiction fondamentale serait sociale, entre Capital et Travail. Pour d’autres, Marx n’a jamais abordĂ© la question du racisme et n’offre pas de cadre d’analyse pertinent pour aborder cette question. Or, deux cents ans aprĂšs sa naissance, retourner Ă  Marx et aux dĂ©bats et combats qu’il a inspirĂ©s au 19e et 20e siĂšcles permet au contraire, Ă  notre sens, de clarifier des enjeux majeurs actuels. L’histoire de toute sociĂ©tĂ© jusqu’à nos jours n’a Ă©tĂ© que l’histoire de luttes de classes » est une des citations les plus cĂ©lĂšbres de Marx dans le Manifeste du parti communiste. Mais que veut-elle dire rĂ©ellement ? Certains en dĂ©duisent que le marxisme est une thĂ©orie Ă©conomique dĂ©terministe, se rĂ©duisant Ă  l’opposition entre travailleurs et capitalistes dans un cadre national. Dans cette vision, le marxisme n’offrirait aucun cadre pour aborder des questions aussi essentielles que le racisme et le nĂ©o-colonialisme. Rien n’est plus faux. D’abord, Marx donne un cadre d’analyse matĂ©rialiste de l’histoire, partant du dĂ©veloppement des forces productives les usines, les technologies
 et des rapports de production matĂ©riels les rapports entre classes comme base. Dans ce sens, la base matĂ©rielle, Ă©conomique, dĂ©termine, en derniĂšre instance, la superstructure l’État, la politique, l’idĂ©ologie, la culture des diffĂ©rentes classes. Mais Marx explique que la superstructure, la politique, la lutte des idĂ©es
 peuvent Ă  leur tour peser sur la lutte des classes et, finalement, sur les rapports de production pour transformer la sociĂ©tĂ©. Marx n’est pas dĂ©terministe dans le sens qu’il montre comment les ĂȘtres humains, Ă  partir d’une comprĂ©hension du monde, peuvent non seulement le dĂ©crire mais aussi le transformer. Ensuite, si Marx place la contradiction entre Capital et Travail comme centrale dans le dĂ©veloppement du capitalisme, il montre dĂšs le dĂ©but son caractĂšre international et souligne l’importance de l’unitĂ© internationale des travailleurs. Marx et Engels, dĂšs le Manifeste du parti communiste en 1848, distinguent les communistes des autres organisations ouvriĂšres, en particulier sur le point que dans les diffĂ©rentes luttes nationales des prolĂ©taires, ils mettent en avant et font valoir les intĂ©rĂȘts indĂ©pendants de la nationalitĂ© et communs Ă  tout le prolĂ©tariat mondial ». Marx et Engels concluent par le cĂ©lĂšbre Les prolĂ©taires n’ont rien Ă  perdre que leurs chaĂźnes. Ils ont un monde Ă  y gagner. ProlĂ©taires de tous les pays unissez-vous ! » Enfin, Ă©crit le philosophe italien Losurdo, il faut se garder d’une lecture binaire de la sociĂ©tĂ©, limitĂ©e Ă  une dimension Relisons le Manifeste du parti communiste “L’histoire de toute sociĂ©tĂ© jusqu’à nos jours n’a Ă©tĂ© que l’histoire de luttes de classe”, et elles prennent des “formes diffĂ©rentes”. Le recours au pluriel laisse entendre que la lutte entre prolĂ©tariat et bourgeoisie ou entre travail salariĂ© et classes propriĂ©taires n’est qu’une des luttes de classe. Il y a aussi la lutte de classe d’une nation qui se dĂ©barrasse de l’exploitation et de l’oppression coloniale1. » Losurdo dĂ©crit ainsi le marxisme comme une thĂ©orie gĂ©nĂ©ral du conflit social toutes les luttes de l’histoire [
] ne sont que l’expression plus ou moins claire de luttes entre classe sociales. » Autrement dit, on ne peut rĂ©duire les luttes des classes Ă  une relation binaire Capital-Travail, entre bourgeois et travailleurs. Dans chaque situation concrĂšte, un entrelac particulier de contradictions peut imposer une hiĂ©rarchisation dĂ©terminĂ©e des diffĂ©rentes luttes des classes sociales. Cette hiĂ©rarchisation ne doit cependant pas empĂȘcher que chacune de ces luttes des classes soit prise en considĂ©ration2. Et surtout que cette hiĂ©rarchisation peut Ă©voluer selon les pays et les situations historiques. Marx pointe ainsi la division internationale du travail, liĂ©e au dĂ©veloppement inĂ©gal du capitalisme. Les pays oĂč se dĂ©veloppent le capitalisme dans sa forme la plus avancĂ©e comme la Grande-Bretagne partent Ă  la conquĂȘte du monde, pillant les richesses d’autres pays, colonisant, expropriant et introduisant d’autres formes de conflits que celui entre Capital et Travail. Le pillage des colonies est d’ailleurs aussi la condition sine qua non pour le dĂ©veloppement du capitalisme, comme l’explique Marx dans Le Capital Les trĂ©sors directement extorquĂ©s hors de l’Europe par le travail forcĂ© des indigĂšnes rĂ©duits en esclavage, par le pillage et le meurtre refluaient Ă  la mĂšre patrie pour y fonctionner comme capital3. » Si au niveau d’une mĂ©tropole capitaliste, la contradiction entre Capital et Travail est premiĂšre, les fondateurs du marxisme pointent la contradiction grandissante entre nations impĂ©rialistes et nations opprimĂ©es. Une nation ne peut pas devenir libre et en mĂȘme temps continuer Ă  opprimer d’autres nations », Ă©crit dĂ©jĂ  Engels, alter ego de Marx, en 1847. Alors que c’est la rencontre de la rĂ©alitĂ© des classes ouvriĂšres anglaise et française qui a fait de Marx et d’Engels des communistes, c’est la rĂ©sistance des peuples qui les amĂšne Ă  l’anticolonialisme. En 1858, la rĂ©volte des Cipayes, en Inde, marque un tournant dĂ©cisif alors que toute la presse europĂ©enne se lamente sur les tueries dont sont victimes les EuropĂ©ens » et sur la sauvagerie » des rĂ©voltĂ©s, seuls Marx et Engels prennent leur dĂ©fense. Puis, quand les Chinois se rĂ©voltent contre les interventions occidentales, ils Ă©crivent Au lieu de crier au scandale Ă  cause de la cruautĂ© des Chinois, on ferait mieux de reconnaĂźtre qu’il s’agit d’une guerre populaire pour la survie de la nation chinoise4. » En Irlande, colonie de l’Angleterre, Marx et Engels travaillent avec le mouvement anticolonial des Fenians pour eux, dans l’Irlande du 19e siĂšcle, la question sociale » se pose comme une question nationale ». Pour l’Irlande, l’Inde ou la Chine, la lutte des classes devient celle qui oppose les classes qui s’opposent Ă  l’oppression nationale et les classes qui dĂ©fendent la colonisation. LĂ©nine, Ă  la suite de Marx, combat aussi une vision Ă©conomiste, rĂ©ductionniste du marxisme, une vision qui rĂ©duirait le conflit social uniquement Ă  celui entre le travailleur et son patron. Dans son Que Faire ? en 1902, il Ă©crit La conscience de la classe ouvriĂšre ne peut ĂȘtre une conscience politique vĂ©ritable si les ouvriers ne sont pas habituĂ©s Ă  rĂ©agir contre tous abus, toute manifestation d’arbitraire, d’oppression, de violence, quelles que soient les classes qui en sont victimes, et Ă  rĂ©agir justement du point de vue marxiste, et non d’un autre5. Autrement dit, LĂ©nine plaide pour que le travailleur prenne parti contre l’exploitation Ă©conomique qu’il subit mais aussi contre d’autres formes d’oppression discriminations, racisme, autoritarisme, rĂ©pression policiĂšre
 qu’il subit directement mais que d’autres couches de la sociĂ©tĂ© subissent Ă©galement. LĂ©nine avance qu’il est indispensable de lutter radicalement pour l’égalitĂ© des droits pour arriver Ă  s’émanciper du capitalisme. Et il dĂ©montre comment le capitalisme attaque les droits des minoritĂ©s nationales comme banc d’essai pour rĂ©duire les droits de la population tout entiĂšre. Une nation ne peut pas devenir libre et en mĂȘme temps continuer Ă  opprimer d’autres nations », Ă©crit Engels. LĂ©nine dĂ©fend le point de vue que la lutte pour changer fondamentalement de sociĂ©tĂ© n’est pas un acte unique, une bataille unique sur un seul front, [mais que] c’est toute une Ă©poque de conflits de classes aigus, une longue succession de batailles sur tous les fronts, c’est-Ă -dire sur toutes les questions d’économie et de politique ». Que ce soit sur le terrain des droits dĂ©mocratiques ou pour combattre le nationalisme, le racisme et l’antisĂ©mitisme ou encore pour dĂ©fendre le droit des nations opprimĂ©s Ă  se libĂ©rer du colonialisme
 Il ajoute qu’un bouleversement de l’ordre social peut Ă©clater non seulement Ă  la suite d’une grande grĂšve ou d’une manifestation de rue, ou d’une Ă©meute de la faim, ou d’une mutinerie des troupes, ou d’une rĂ©volte coloniale, mais aussi Ă  la suite d’une quelconque crise politique ou Ă  la faveur d’un rĂ©fĂ©rendum Ă  propos de la sĂ©paration d’une nation opprimĂ©e, etc6. » En somme, LĂ©nine souligne les multiples dimensions de l’oppression sous le capitalisme. Et la nĂ©cessitĂ© de s’y opposer de façon multiforme. Marx et la lutte pour l’égalitĂ© des droits La rĂ©volution amĂ©ricaine de 1776 et la rĂ©volution française de 1789 marquent le passage de l’hĂ©gĂ©monie du capitalisme sur la fĂ©odalitĂ©. La fĂ©odalitĂ© est caractĂ©risĂ©e par une division en classes entre seigneurs et serfs, un systĂšme politique arbitraire basĂ© sur le droit divin. L’égalitĂ© entre les hommes et la libertĂ© politique ne sont pas Ă©voquĂ©es, elles sont combattues. Le seigneur a droit de vie ou de mort sur le serf. Le capitalisme montant au 18e siĂšcle, pour se libĂ©rer du fĂ©odalisme et de son arbitraire Ă©touffant, de ses entraves au marchĂ©, va proclamer la nĂ©cessitĂ© de l’égalitĂ© en droits entre les hommes. C’est un tournant majeur par rapport Ă  l’Ancien RĂ©gime et c’est la base politique de la bourgeoisie pour renverser les privilĂšges de la noblesse. La proclamation des droits de l’homme, de l’égalitĂ© et de la libertĂ© entre les hommes, lors des rĂ©volutions amĂ©ricaine et française n’aboutit pourtant pas Ă  la fin de l’exploitation, de l’oppression et des discriminations. Au contraire mĂȘme, le capitalisme va ouvrir une pĂ©riode de dĂ©veloppement du racisme. Marx va analyser ce paradoxe apparent la proclamation des droits Ă©gaux n’aboutit pas Ă  leur rĂ©alisation pour la majoritĂ© de la population sous le capitalisme. Il Ă©crit Chaque paragraphe de la Constitution contient, en effet, sa propre antithĂšse [
] Dans le texte, la libertĂ© ; dans la marge, la suppression de cette libertĂ©. [
] L’existence constitutionnelle de la libertĂ© resta entiĂšre, intacte, bien que son existence rĂ©elle fĂ»t totalement anĂ©antie7. » Marx montre la source Ă©conomique Ă  la base de ce paradoxe la bourgeoisie a proclamĂ© ses droits, pour supplanter la noblesse, pas du tout pour donner l’égalitĂ© au reste du peuple, qu’il doit exploiter et opprimer. Ce qui fera dire Ă  Marx L’application du droit de l’homme Ă  la libertĂ©, c’est le droit de l’homme Ă  la propriĂ©tĂ© privĂ©e8. » À la proclamation des droits universels de l’homme, succĂšdent directement la limitation ou l’absence de ces droits pour une grande partie. Ainsi, au sein des mĂ©tropoles, par exemple en France, dans la lutte de classes entre Travail et Capital, les droits des travailleurs sont immĂ©diatement limitĂ©s par la Loi Chapelier 1791 qui interdit quasiment le droit d’organisation et de grĂšve des travailleurs qui menacerait le droit Ă  la propriĂ©tĂ© privĂ©e ». La discrimination censitaire fera en sorte que la classe ouvriĂšre et les couches les plus pauvres seront exclues du droit de vote aux Ă©lections durant plus d’un siĂšcle un siĂšcle et demi pour les femmes. Mais lĂ  oĂč l’égalitĂ© en droits est le plus niĂ©, combattu, justifiĂ©, c’est pour les esclaves et les peuples colonisĂ©s. Qui n’ont aucun droit. Et le racisme sert Ă  justifier cette inĂ©galitĂ©. On peut le voir avec l’esclavagisme aux États-Unis. Il se dĂ©veloppe de maniĂšre fulgurante aprĂšs la rĂ©volution bourgeoise amĂ©ricaine Le total de la population esclave en AmĂ©rique s’élevait Ă  environ 33 000 en 1700, Ă  presque trois millions en 1800, pour atteindre finalement un pic de plus de six millions dans les annĂ©es cinquante du XIXe siĂšcle9. » Ce dĂ©veloppement est directement liĂ© au dĂ©veloppement vertigineux du capitalisme, en particulier de l’industrie textile britannique qui s’alimentait en coton produit au sud des États-Unis, dans ce qu’on a appelĂ© le commerce triangulaire les Noirs d’Afrique Ă©taient dĂ©portĂ©s aux AmĂ©riques comme esclaves pour y ĂȘtre exploitĂ©s et permettre l’approvisionnement de l’Europe en produits des AmĂ©riques. C’est ainsi qu’on retombe sur ce paradoxe apparent la rĂ©volution libĂ©rale aux États-Unis, qui proclame des principes de libertĂ© et d’égalitĂ©, va de pair avec le dĂ©veloppement de l’esclavage racial. Dans les premiĂšres dĂ©cennies qui suivirent l’indĂ©pendance de 1776, presque tous les prĂ©sidents des États-Unis Ă©taient propriĂ©taires d’esclaves Washington, mais aussi Jefferson, l’auteur de la DĂ©claration d’indĂ©pendance, Madison, un des principaux auteurs de la Constitution. Aux États-Unis, l’esclavage durera jusqu’à la fin de la guerre de SĂ©cession, c’est-Ă -dire 1865. A la grande fureur de leurs maĂźtres français les esclaves haĂŻtiens ont pris au mot la devise de la RĂ©volution française, LibertĂ©, EgalitĂ©, FraternitĂ© ». En France, NapolĂ©on combattra la grande rĂ©volution victorieuse des esclaves noirs de Saint-Domingue, aujourd’hui HaĂŻti, rĂ©volution dirigĂ©e par le grand Toussaint Louverture en 1800. Or, les esclaves haĂŻtiens ont pris au mot la devise de la RĂ©volution française, LibertĂ©, EgalitĂ©, FraternitĂ© », Ă  la grande fureur de leurs maĂźtres français qui ne voulaient pas de cette Ă©galitĂ©. De cette rĂ©volution remarquable va naĂźtre le premier État du continent amĂ©ricain Ă  abolir l’esclavage. Ensuite, l’esclavage va disparaĂźtre dans presque toute l’AmĂ©rique latine grĂące au mouvement de libĂ©ration et d’indĂ©pendance de Simon Bolivar, fortement influencĂ© par la rĂ©volution haĂŻtienne. Une rĂ©volution qui va inspirer Marx et le mouvement socialiste naissant. Marx va alors s’engager pour soutenir les forces qui, aux États-Unis, combattent l’esclavagisme et les propriĂ©taires d’esclaves du Sud. Dans une lettre au prĂ©sident Lincoln, il Ă©crit que la rĂ©bellion des esclavagistes sonne le tocsin pour une croisade gĂ©nĂ©rale de la propriĂ©tĂ© contre le travail et avance que tant que les travailleurs amĂ©ricains blancs permirent Ă  l’esclavage de souiller leur propre RĂ©publique ; tant qu’ils se glorifiĂšrent de jouir – par rapport aux Noirs qui avaient un maĂźtre et Ă©taient vendus sans ĂȘtre consultĂ©s – du privilĂšge d’ĂȘtre libres de se vendre eux-mĂȘmes et de choisir leur patron, ils furent incapables de combattre pour la vĂ©ritable Ă©mancipation du travail ou d’appuyer la lutte Ă©mancipatrice de leurs frĂšres europĂ©ens10. Car le dĂ©veloppement du racisme a servi Ă  justifier l’exclusion des Noirs du champ oĂč s’exerce la dĂ©mocratie » et Ă  lĂ©gitimer dĂ©mocratiquement » l’esclavagisme. L’auteure marxiste amĂ©ricaine Ellen Meiksins Wood l’écrit ainsi C’est prĂ©cisĂ©ment la pression structurelle contre une diffĂ©rence extra-Ă©conomique qui a rendu nĂ©cessaire de justifier l’esclavage en excluant les esclaves de la race humaine, faisant d’eux des non-personnes se trouvant en dehors de l’univers normal de la libertĂ© et de l’égalitĂ©11 » . Marx, l’Irlande et la lutte contre le racisme Durant les premiĂšres annĂ©es de leur sĂ©jour en Angleterre dans les annĂ©es 1850, Marx et Engels placent beaucoup d’espoir dans les travailleurs anglais pour ĂȘtre les pionniers de la libĂ©ration de la classe ouvriĂšre, Ă©tant donnĂ© qu’ils sont au cƓur du systĂšme capitaliste le plus avancĂ©. Mais assez vite, ils sont confrontĂ©s Ă  la division entre les travailleurs d’origine anglaise et irlandaise. L’Irlande est une colonie anglaise. Ce pays est confrontĂ© Ă  l’expropriation systĂ©matique des terres irlandaises par les grands propriĂ©taires fonciers anglais, par une rĂ©pression sans nom que certains compareront Ă  celle des Indiens d’AmĂ©rique. L’üle est vidĂ©e de ses habitants qui Ă©migrent aux États-Unis et en Grande-Bretagne, oĂč ils sont doublement opprimĂ©s comme tout travailleurs dans le systĂšme capitaliste et comme Irlandais ayant un salaire et un statut infĂ©rieurs. Cette situation permet aux capitalistes de faire pression Ă  la baisse sur les salaires de toute la classe ouvriĂšre. Mais cette oppression supplĂ©mentaire du travailleur irlandais est politique, car le travailleur irlandais a moins de droits, pouvant ĂȘtre expulsĂ© et pourchassĂ© Ă  tout moment. Et cette oppression est idĂ©ologiquement justifiĂ©e par la bourgeoisie en attisant les prĂ©jugĂ©s nationalistes de supĂ©rioritĂ© chez le travailleur anglais. L’asservissement de l’Irlande empĂȘche l’émancipation de la classe ouvriĂšre anglaise, dit Marx. Mais il va plus loin Ce qui est primordial, c’est que chaque centre industriel et commercial d’Angleterre possĂšde maintenant une classe ouvriĂšre divisĂ©e en deux camps hostiles les prolĂ©taires anglais et les prolĂ©taires irlandais. L’ouvrier anglais moyen dĂ©teste l’ouvrier irlandais en qui il voit un concurrent qui dĂ©grade son niveau de vie. [
] Il se berce de prĂ©jugĂ©s religieux, sociaux et nationaux contre les travailleurs irlandais. Il se comporte Ă  peu prĂšs comme les blancs pauvres vis-Ă -vis des noirs dans les anciens États esclavagistes des États-Unis12. On voit bien que pour Marx, ce racisme anti-Irlandais est tout Ă  la fois un instrument d’oppression Ă©conomique, politique et idĂ©ologique. Et Marx pointe le danger mortel du racisme dans la lutte contre le capitalisme Cet antagonisme est le secret de l’impuissance de la classe ouvriĂšre anglaise, malgrĂ© son organisation. C’est le secret du maintien au pouvoir de la classe capitaliste, et celle-ci en est parfaitement consciente. [
] La tĂąche de l’Internationale est donc en toute occasion de mettre au premier plan le conflit entre l’Angleterre et l’Irlande, et de prendre partout ouvertement parti pour l’Irlande. Il doit s’attacher tout particuliĂšrement Ă  Ă©veiller dans la classe ouvriĂšre anglaise la conscience que l’émancipation nationale de l’Irlande n’est pas pour elle une question abstraite de justice ou de sentiments humanitaires, mais la condition premiĂšre de leur propre Ă©mancipation sociale. » Marx en a conclu que pour le travailleur, pas seulement en Angleterre, mais dans le monde entier, pour ĂȘtre libĂ©rĂ©, pour dĂ©truire le systĂšme capitaliste, le systĂšme colonial devait tomber13 », explique Mary Gabriel, auteure d’une biographie sur Marx. Il y a dans l’analyse de Marx les prĂ©misses d’une analyse du racisme moderne un puissant moyen de diviser les travailleurs et de les mettre en concurrence Ă  l’intĂ©rieur des mĂ©tropoles impĂ©rialistes et un instrument de justification du colonialisme et des guerres impĂ©rialistes Ă  l’extĂ©rieur. L’impĂ©rialisme et la lutte contre le chauvinisme Dans la deuxiĂšme moitiĂ© du dix-neuviĂšme siĂšcle, le capitalisme s’étend largement au-delĂ  des frontiĂšres nationales, cherche de nouveaux marchĂ©s et ouvre l’ùre de ce qu’on appelle l’impĂ©rialisme. C’est le temps de la colonisation de l’Afrique et de l’Asie par les pays europĂ©ens et celui des nouveaux empires. Cette pĂ©riode ouvre aussi une nouvelle phase du dĂ©veloppement du racisme en Europe. Si c’est d’abord le moteur Ă©conomique du systĂšme qui pousse Ă  la colonisation, d’autres motivations plus politiques sont aussi Ă  l’Ɠuvre. Il s’agit pour les classes dominantes de diviser la classe des travailleurs et de propager le chauvinisme, ce patriotisme exclusif et agressif. Le monde du travail, appauvri, commence Ă  s’organiser dans les syndicats et les coopĂ©ratives. La premiĂšre Internationale des travailleurs voit le jour en 1864, la Commune de Paris fait trembler le continent europĂ©en en 1871. Les tenants de l’ordre Ă©tabli ont eu peur et voient dans la colonisation une opportunitĂ© ils peuvent exporter le prolĂ©tariat excĂ©dentaire » vers les colonies, ce qui permet de calmer la rĂ©volte sociale qui gronde en mĂ©tropole. Aux Etats-Unis, avant la guerre de SĂ©cession, le dĂ©veloppement du racisme a servi Ă  justifier l’exclusion des Noirs du champ oĂč s’exerce la dĂ©mocratie ». L’écrivain Ernest Renan, peu aprĂšs la Commune de Paris, Ă©crit La colonisation est une nĂ©cessitĂ© politique tout Ă  fait de premier ordre. Une nation qui ne colonise pas est irrĂ©vocablement vouĂ©e au socialisme, Ă  la guerre du riche et du pauvre14 ». Pour Ă©viter son renversement, la classe dominante favorise ouvertement une sorte de socialisme impĂ©rial ». Elle justifie ainsi dans la classe ouvriĂšre les conquĂȘtes coloniales et donne quelques miettes du gĂąteau colonial Ă  une petite minoritĂ© de travailleurs ce que LĂ©nine appellera l’aristocratie ouvriĂšre » afin d’éviter le spectre d’une rĂ©volution sociale. Une perspective totalement opposĂ©e Ă  celle des fondateurs du marxisme. Il est possible que l’Inde fasse la rĂ©volution et puisque le prolĂ©tariat en lutte pour la libĂ©ration ne peut mener des guerres coloniales, il lui faudra accepter ce processus. [
] La mĂȘme chose pourrait se produire ailleurs, par exemple en AlgĂ©rie et en Egypte, et pour nous, ce serait certainement ce qui serait le mieux », Ă©crit Engels dĂšs 188215, montrant ainsi le lien qui existe entre la lutte de libĂ©ration nationale dans les pays du Sud et la lutte pour le socialisme au Nord. Au tournant du 20e siĂšcle, deux courants vont s’opposer dans le mouvement ouvrier europĂ©en. L’un est portĂ© par Bernstein et consorts qui vont reprendre la logique du socialisme impĂ©rial », l’autre est incarnĂ© par LĂ©nine et bien d’autres qui s’inspirent de l’internationalisme de Marx. L’Allemand Bernstein, pĂšre du rĂ©formisme social-dĂ©mocrate, Ă©crit Sans l’expansion coloniale de notre Ă©conomie, la misĂšre que nous avons encore aujourd’hui en Europe et que nous nous efforçons d’éradiquer serait bien plus grave et nous aurions beaucoup moins d’espoir de l’éliminer. MĂȘme si on le met en balance avec les mĂ©faits du colonialisme, l’avantage procurĂ© par les colonies pĂšse de plus en plus lourd dans la balance16. En Belgique aussi, ce socialisme impĂ©rial gagne une majoritĂ© des dirigeants du monde du travail. Le prĂ©sident du POB, Vandervelde, ne s’oppose pas par principe Ă  la colonisation mais seulement Ă  ses excĂšs les plus manifestes. Dans son livre La Belgique et le Congo, Vandervelde estime qu’abandonner la colonie Ă©quivaudrait Ă  une humiliation morale17, tandis que dans Les derniers jours de l’Etat du Congo, il lance un appel aux milliers de jeunes gens [en Belgique] qui assiĂšgent les ministĂšres pour obtenir une misĂ©rable place. [
] Qu’ils aillent plutĂŽt au Congo. Ils y trouveront des traitements plus Ă©levĂ©s et surtout une vie plus libre et plus intĂ©ressante, au milieu de toutes les possibilitĂ©s des pays neufs, dans la majestueuse solitude des forĂȘts de la brousse18. » Vandervelde recrute activement des colons, se plaçant clairement du cĂŽtĂ© de l’oppression coloniale. Ce socialisme impĂ©rial de la premiĂšre moitiĂ© du vingtiĂšme siĂšcle entend obtenir des rĂ©formes sociales dans les mĂ©tropoles mais lĂ©gitime, dans le mĂȘme temps, l’expansion coloniale et son cortĂšge de massacres, ce qui le mĂšnera aussi Ă  soutenir les puissances impĂ©rialistes dans la PremiĂšre Guerre mondiale, guerre dont l’enjeu majeur sera le repartage des colonies. Il aboutira aussi Ă  dĂ©velopper un chauvinisme fortement ancrĂ© dans la tĂȘte de millions de travailleurs des mĂ©tropoles. Face au courant portĂ© par Bernstein, LĂ©nine, dans la lignĂ©e de Marx, va analyser le colonialisme comme le produit du capitalisme et de l’impĂ©rialisme, et va porter son attention sur la question des nations opprimĂ©es. En 1902, parlant de l’écrasement de la rĂ©volte des Boxers en Chine en 1900, LĂ©nine accuse les Occidentaux envahisseurs qui se sont jetĂ©s sur les Chinois comme des bĂȘtes fĂ©roces, livrant aux flammes des village sentiers
 ». LĂ©nine avance que c’est une entreprise qui vise Ă  corrompre la conscience politique des classes populaires ». Pour Ă©liminer le mĂ©contentement du peuple », on cherche Ă  le dĂ©tourner du gouvernement sur quelqu’un d’autre ». LĂ©nine avance aussi que la colonisation encourage le changement social et la rĂ©volution en Orient dans les pays colonisĂ©s ou semi-colonisĂ©s alors qu’elle renforce, au moins dans l’immĂ©diat, le pouvoir dominant en Occident. Il dĂ©nonce aussi la formation d’une aristocratie ouvriĂšre, une petite minoritĂ© de la classe ouvriĂšre qui se fait acheter matĂ©riellement et idĂ©ologiquement par les classes dominantes. Il appelle donc Ă  combattre l’impĂ©rialisme en Occident, y compris dans le mouvement ouvrier, alors qu’en Orient, il importe de soutenir sans hĂ©sitation la rĂ©volution anticoloniale. La rĂ©volution russe de 1917 ouvre ainsi une nouvelle sĂ©quence historique. En particulier, celle de la dĂ©colonisation. Les habitants de l’Asie et de l’Afrique », des centaines de millions d’ĂȘtres humains », en rĂ©bellion contre le joug imposĂ© par la mĂ©tropole capitaliste, ont rappelĂ© leur volontĂ© d’ĂȘtre des hommes et non des esclaves », indique LĂ©nine. La rĂ©vĂ©lation des traitĂ©s secrets Sykes-Picot traitĂ©s entre l’Angleterre et la France se partageant le Moyen-Orient par les SoviĂ©tiques fait Ă©merger un mouvement nationaliste sans prĂ©cĂ©dent dans le monde arabe. En Asie, la Chine mais aussi le Vietnam s’inspirent, dĂšs les annĂ©es 20, du marxisme dans leur mouvement de libĂ©ration nationale. Le nazisme L’analyse marxiste reste fĂ©conde pour l’étude de l’émergence du nazisme, alimentĂ©e par un racisme forcenĂ© qui va mener Ă  la plus grande barbarie du vingtiĂšme siĂšcle, et montre que le nazisme ne peut ĂȘtre dĂ©tachĂ© de l’analyse du dĂ©veloppement du capitalisme19, ni ĂȘtre prĂ©sentĂ© comme un excĂšs ou un accident de parcours de celui-ci. Tout comme il met en avant que la dĂ©faite du nazisme, quintessence du racisme et du colonialisme, n’a pas Ă©tĂ© une dĂ©faite limitĂ©e Ă  l’Allemagne, mais une dĂ©faite des forces rĂ©actionnaires au niveau mondial et une phase de progrĂšs de la lutte antiraciste et anticoloniale. Car si en 1871, le chancelier Bismarck proclame la crĂ©ation du IIe Reich, l’Allemagne n’est pas encore une nation en tant que telle. Le dĂ©veloppement du capitalisme y est plus tardif et, lors de la ConfĂ©rence de Berlin de 1885, quand Bismarck veut obtenir un empire colonial pour l’Allemagne, son butin » comparĂ© Ă  la Grande-Bretagne et Ă  la France est maigre. DĂšs ce moment, l’Allemagne dĂ©veloppe une armĂ©e dont l’ambition est de mener des guerres partout dans le monde pour arracher des nouvelles colonies et rattraper son retard. Pourtant, dans certains groupes d’industriels, comme les principaux dirigeants du cartel charbon-acier de la Ruhr, on juge que l’empereur allemand et son chancelier Bismarck ne sont pas assez offensifs en la matiĂšre. Ils fondent en 1890 le Alldeutscher Verband20 la Ligue Pangermanique. Les pangermanistes justifient la volontĂ© d’expansion et de conquĂȘtes de l’industrie allemande par des thĂ©ories inspirĂ©es du darwinisme social le Kampf ums Dasein se battre pour exister, le droit du plus fort, la nĂ©cessitĂ© pour le peuple allemand en croissance rapide d’avoir plus d’espace vital Lebensraum pour pouvoir survivre. Ce Lebensraum devrait se concrĂ©tiser par une nouvelle conquĂȘte de territoires Ă  l’Est. Dans l’État qu’imaginent les pangermanistes, il s’agit de dĂ©fendre l’ordre et l’exigence d’une puretĂ© de la race » de ses habitants, par la soumission Ă  l’autoritĂ©. L’unitĂ© de la nation exige l’exclusion des minoritĂ©s et de tous ceux qui pensent diffĂ©remment. Mais l’expansionnisme exige aussi la suppression des problĂšmes internes, particuliĂšrement les tensions sociales, et la mise en cause de l’existence de minoritĂ©s nationales. L’expulsion ou l’assimilation forcĂ©e des populations slave et juive des territoires annexĂ©s est mise en avant. L’Alldeutscher Verband tente de dĂ©tourner la classe ouvriĂšre du socialisme internationaliste en lui prĂ©sentant un socialisme national. Aussi, elle fait la promotion d’un nouvel antisĂ©mitisme impĂ©rialiste. Il s’agit de prĂ©senter aux travailleurs, influencĂ©s par le socialisme, une perspective de lutte contre le grand capital juif » coupable de tous les maux, qui ne mettrait pas en danger l’unitĂ© de la nation allemande si chĂšre aux industriels. Marx a conclu du cas irlandais que pour le travailleur dans le monde entier, pour ĂȘtre libĂ©rĂ©, le systĂšme colonial devait tomber ». Cet antisĂ©mitisme impĂ©rialiste est trĂšs pernicieux. Affirmant que le socialisme Ă©tait en soi un but louable, les tenants de cette thĂ©orie dĂ©fendaient qu’en affirmant notamment que l’histoire est une histoire de classes et de lutte de classes, le socialisme marxiste, lui, Ă©tait basĂ© sur une erreur historique et thĂ©orique. Pour eux, les classes devaient ĂȘtre unifiĂ©es et l’élĂ©ment unificateur Ă©tait le sang », la race ». Or, la race la plus pernicieuse », qui voulait la destruction de la race allemande », c’était, pour eux, les Juifs, qui avaient comme mĂ©thodes l’internationalisme » et la lutte de classes ». Ces mĂ©thodes avaient Ă©tĂ© importĂ©es dans le socialisme allemand honorable » par les Juifs dans le but d’affaiblir la nation allemande » preuve pour eux, Marx Ă©tait juif. Dans cette nouvelle forme du socialisme impĂ©rial qui deviendra plus tard le national-socialisme, le vrai socialisme allemand » reconnaissait la nĂ©cessitĂ© pour les travailleurs de combattre pour l’espace vital ». Jusqu’au sortir de la PremiĂšre Guerre mondiale, cet antisĂ©mitisme impĂ©rialiste n’est pas dominant. Le courant dominant dans la classe bourgeoise allemande avait obtenu le soutien des dirigeants sociaux-dĂ©mocrates pour entrer en guerre en s’appuyant sur un nationalisme classique ». Mais la guerre n’avait pas Ă©tĂ© gagnĂ©e, car Ă©puisĂ©e par quatre ans de guerre, une partie des travailleurs en armes s’était soulevĂ©e dĂ©but novembre 1918, entraĂźnant la fin de la guerre. Une fraction sans cesse grandissante de la bourgeoisie allemande, avec Ă  leur tĂȘte le gĂ©nĂ©ral Erich Ludendorff21, va alors aspirer Ă  l’anĂ©antissement le plus rapide et le plus complet possible de la social-dĂ©mocratie et du Parti communiste, et Ă  la crĂ©ation d’un mouvement ouvrier national ». Cette fraction va soutenir Adolf Hitler et son parti nazi dĂšs le dĂ©but. Reprenant l’antisĂ©mitisme du Alldeutscher Verband, Hitler voit dans cette forme de racisme un moyen puissant de diviser la classe ouvriĂšre allemande, de la dĂ©tourner du marxisme et de la nationaliser » pour servir les intĂ©rĂȘts des classes dominantes allemandes. Se faisant le porte-parole des forces allemandes les plus rĂ©actionnaires, Hitler avance que l’Allemagne doit Ă©difier en Europe orientale et en Russie un empire colonial de type continental. Le 27 janvier 1932, il prĂ©sente devant les industriels allemands ses desseins fondamentaux. Durant l’ensemble du 19e siĂšcle, “les peuples blancs” ont conquis une position dominante incontestĂ©e, au terme d’un processus qui avait commencĂ© par la conquĂȘte de l’AmĂ©rique et qui s’est dĂ©veloppĂ© sous le signe du “sentiment innĂ©, absolu, de la domination de la race blanche europĂ©enne”. En mettant en question le systĂšme colonial et en provoquant ou en aggravant la “confusion de la pensĂ©e blanche europĂ©enne”, le bolchĂ©visme fait courir un danger mortel Ă  la civilisation. Si l’on veut faire face Ă  cette menace, il faut rĂ©affirmer la “conviction de la supĂ©rioritĂ© et donc du droit supĂ©rieur de la race blanche”, il faut dĂ©fendre “la position dominante de la race blanche vis-Ă -vis du reste du monde22” ». C’est un vĂ©ritable programme de contre-rĂ©volution colonialiste et esclavagiste. Ce qui s’impose selon Hitler, c’est qu’il ne faut pas hĂ©siter Ă  l’exercice d’un droit des maĂźtres herrenrecht d’une brutalitĂ© extrĂȘme ». En juillet 1942, Hitler promulgue une directive pour la colonisation de l’Union soviĂ©tique Les esclaves doivent travailler pour nous. Si nous n’en avons plus besoin, qu’ils meurent. » C’est ce systĂšme gĂ©nocidaire qui va ĂȘtre combattu par la rĂ©sistance antifasciste dans toute l’Europe, qui va ĂȘtre battu Ă  Stalingrad, et qui ne cessera de reculer jusqu’à ĂȘtre vaincu Ă  Berlin. Si le nazisme reprĂ©sente la quintessence du racisme et du colonialisme, servant Ă  combattre Ă  la fois, l’ennemi extĂ©rieur » les pays Ă  coloniser et Ă  diviser l’ennemi intĂ©rieur » la classe des travailleurs, sa dĂ©faite est aussi une dĂ©faite majeure des formes les plus rĂ©actionnaires du racisme, grĂące Ă  un front antifasciste au niveau international. Combiner plusieurs luttes des classes Le rapport de forces au niveau mondial a totalement Ă©tĂ© bouleversĂ© dans les trente annĂ©es qui ont suivi la DeuxiĂšme Guerre mondiale. La force de la rĂ©sistance antifasciste et la peur exercĂ©e par le communisme sur les classes dominantes, combinĂ©e Ă  la forte croissance du mouvement social, a amenĂ© dans les pays europĂ©ens un dĂ©veloppement sans prĂ©cĂ©dent de la sĂ©curitĂ© sociale et des hausses du niveau de vie. Ce changement de rapport de forces a aussi menĂ© Ă  un puissant mouvement de dĂ©colonisation des peuples du tiers monde et Ă  l’isolement croissant des tenants du racisme biologique » au niveau mondial. Fini la pĂ©riode oĂč “les peuples blancs” ont conquis une position dominante incontestĂ©e » comme l’affirmait Hitler. La Chine moderne naĂźt en 1949 et reprend le cours de son destin aprĂšs un siĂšcle de domination coloniale. Ho Chi Minh et le Vietnam dĂ©font la France Ă  Dien Bien Phu 1954, puis les États-Unis aprĂšs l’offensive du TĂȘt 1968. Le nationalisme arabe, celui du FLN en AlgĂ©rie et de l’Egypte de Nasser, est fortement influencĂ© par les courants marxistes. Le mouvement antiraciste se dĂ©veloppe dans le monde entier, en particulier aux États-Unis avec le mouvement des droits civiques dont la branche radicale de Malcolm X aux Black Panthers se rapproche du marxisme. Le dernier empire colonial, le portugais, tombe Ă  partir de 1974, avec la dĂ©route dans ses colonies d’Angola et du Mozambique. Le rĂ©gime raciste d’apartheid finit aussi par tomber en 1990, sous la pression conjuguĂ©e de la rĂ©sistance de l’ANC dont une des composantes majeures est le Parti communiste sud-africain et de la dĂ©faite des forces sud-africaines en Angola, avec le soutien de l’armĂ©e cubaine de Fidel Castro23. L’antiracisme et l’anticolonialisme ont pu faire des progrĂšs majeurs grĂące Ă  la combinaison des luttes des classes dans les luttes anti-impĂ©rialistes et anticapitalistes, et grĂące aux combats communs prĂŽnant l’unitĂ© des travailleurs. Le racisme et le nĂ©ocolonialisme ont pu, a contrario, se propager chaque fois que les classes dominantes ont divisĂ© la classe ouvriĂšre sur base de prĂ©jugĂ©s nationaux et racistes, ont opposĂ© les travailleurs du Nord aux peuples opprimĂ©es du Sud, ont rĂ©ussi Ă  imposer le chauvinisme dans le mouvement ouvrier et Ă  dĂ©tacher entre elles les diffĂ©rentes formes de luttes de classes. Face Ă  la contre-offensive nĂ©olibĂ©rale lancĂ©e il y a trente ans, ce n’est pas s’écarter mais retourner Ă  Marx, Ă  son internationalisme et Ă  sa thĂ©orie des luttes de classes qui nous semble ĂȘtre indispensable comme source d’inspiration pour combiner avec succĂšs lutte contre le racisme et lutte contre le capitalisme. Voir deuxiĂšme partie La gauche authentique face au nĂ©o-racisme et nĂ©o-colonialisme au 21e siĂšcle », David Pestieau, Lava. FootnotesDomenico Losurdo, La lutte des classes. Une histoire politique et philosophique, 2016, Editions DelgaAinsi, la hiĂ©rarchisation des luttes de classes, leur nature et les alliances de classe ont Ă©tĂ© diffĂ©rentes dans lutte contre l’occupant nazi pendant la seconde guerre mondiale et dans le cadre de l’ Marx, Le Capital, L’accumulation primitive, 6 la genĂšse du capitaliste Marx, New York Daily Tribune, 5 juin 1857LĂ©nine, Que faire ? , III politique trade-unioniste et politique social-dĂ©mocrate, les rĂ©vĂ©lations politiques et “l’éducation de l’activitĂ© rĂ©volutionnaire” »LĂ©nine, La rĂ©volution socialiste et le droit des nations Ă  disposer d’elles-mĂȘmes, 1916Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, 1851Karl Marx, La question juive, 1843Robin Blacburn, The Making of New World Slavery, 1492-1800, Verso, Londres-New-York, 1997, p3Lettre de Marx Ă  Lincoln, paru dans Der Social-Demokrat, 30 dĂ©cembre Meiksins Wood, Capitalism and human emancipation », New Left Review, I/167, janvier-fĂ©vrier 1988, traduit par nous NdlR.Lettre de Marx Ă  Siegfried Mayer et August Vogt Ă  New York, le 9 avril Pestieau, Interview Mary Gabriel. Amour et capital, hier et aujourd’hui », Revue Lava, dĂ©cembre 2017 Renan, Oeuvres complĂštes, p12, Calmann-LĂ©vy, 1947Lettre d’Engels Ă  Kautsky, 12 septembre 1882Sozialistiche Monatshefte, Bernstein, 1900, p559CitĂ© dans La SociĂ©tĂ© GĂ©nĂ©rale 1822-1992, Jo Cottenier, Patrick De Boosere, Thomas Gounet, p 109, EPO, 1992Ibidem, p 70Reinhard Opitz. Faschismus und Neofaschismus. Band I. 1984. Pahl Rugenstein VerlagAlldeutsch signifie qu’à leurs yeux, l’Allemagne comprend tous les Allemands, pas seulement ceux qui se trouvent au sein des frontiĂšres de l’empire mais aussi en Autriche-Hongrie et dans d’autres pays de l’Europe de l’EstConsidĂ©rĂ© par les nationalistes allemands comme le plus grand stratĂšge de la PremiĂšre Guerre mondialeCitĂ© dans Losurdo, PP XXFidel Castro dira un jour pour expliquer la solidaritĂ© cubaine en Afrique Le sang de l’Afrique coule profondĂ©ment dans nos veines. » rappelant l’origine africaine de nombreux habitants de l’üle des CaraĂŻbes
Ils’agit de contrer l’esprit du systĂšme par Jean-Luc Nancy, philosophe. En un premier sens la lutte des classes est aussi vieille que l’humanitĂ©. Nul doute qu’il y ait toujours eu des
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