LorsquedĂ©buta la rĂ©volution de 1848, Marx avait complĂštement construit sa thĂ©orie matĂ©rialiste de lâhistoire, mais il nâavait pas encore dâexpĂ©rience politique : aussi la ligne stratĂ©gique et tactique quâil adopta fut-elle changeante selon la confiance quâil put avoir dans lâefficacitĂ© rĂ©volutionnaire des diffĂ©rentes
Karl Marx 1818-1883 Les luttes de classes en France 1848-1850 1 - de fĂ©vrier Ă juin 1848 Ă©ditions sociales " La pĂ©nurie financiĂšre mit, dĂšs le dĂ©but, la monarchie de Juillet sous la dĂ©pendance de la haute bourgeoisie et cette dĂ©pendance devint la source inĂ©puisable d'une gĂȘne financiĂšre croissante. L'endettement de lâĂtat Ă©tait d'un intĂ©rĂȘt direct pour la fraction de la bourgeoise qui gouvernait et lĂ©gifĂ©rait au moyen des Chambres. C'Ă©tait prĂ©cisĂ©ment le dĂ©ficit de l'Etat, qui Ă©tait l'objet mĂȘme de ses spĂ©culations et le poste principal de son enrichissement. A la fin de chaque annĂ©e, nouveau dĂ©ficit. Au bout de quatre ou cinq ans, nouvel emprunt. Or chaque nouvel emprunt fournissait Ă l'aristocratie financiĂšre une nouvelle occasion de rançonner lâĂtat, qui, maintenu artificiellement au bord de la banqueroute, Ă©tait obligĂ© de traiter avec les banquiers dans les conditions les plus dĂ©favorables. Chaque nouvel emprunt Ă©tait une nouvelle occasion de dĂ©valiser le public qui place ses capitaux en rentes sur lâĂtat, au moyen d'opĂ©rations de Bourse, au secret desquelles gouvernement et majoritĂ© de la Chambre Ă©taient initiĂ©es. En gĂ©nĂ©ral, l'instabilitĂ© du crĂ©dit public et la connaissance des secrets dâĂtat permettaient aux banquiers, ainsi qu'Ă leurs affiliĂ©s dans les Chambres et sur le trĂŽne, de provoquer dans le cours des valeurs publiques des fluctuations insolites et brusques dont le rĂ©sultat constant ne pouvait ĂȘtre que la ruine d'une masse de petits capitalistes et l'enrichissement fabuleusement rapide des grands spĂ©culateurs... En outre, les sommes Ă©normes passant ... entre les mains de l'Etat laissaient place Ă des contrats de livraison frauduleux, Ă des corruptions, Ă des malversations et Ă des escroqueries de toute espĂšce. Le pillage de lâĂtat en grand, tel qu'il se pratiquait au moyen des emprunts, se renouvelait en dĂ©tail dans les travaux publics. ... La monarchie de Juillet n'Ă©tait qu'une sociĂ©tĂ© par actions fondĂ©e pour l'exploitation de la richesse nationale française dont les dividendes Ă©taient partagĂ©s entre les ministres, les Chambres, Ă©lecteurs et leur sĂ©quelle... Le commerce, l'agriculture, la navigation, les intĂ©rĂȘts de la bourgeoisie industrielle ne pouvaient ĂȘtre que menacĂ©s et lĂ©sĂ©s sans cesse par ce systĂšme. Aussi, celle-ci avait-elle inscrit sur son drapeau, pendant les journĂ©es de Juillet Gouvernement Ă bon marchĂ©. Pendant que l'aristocratie financiĂšre dictait ses lois, dirigeait la gestion de l'Etat, disposait de tous les pouvoirs publics constituĂ©s, dominait l'opinion publique par la force des faits et par la presse, dans toutes les sphĂšres, depuis la cour jusqu'au cafĂ© borgne, se reproduisait la mĂȘme prostitution, la mĂȘme tromperie Ă©hontĂ©e, la mĂȘme soif de s'enrichir, non point par la production, mais par l'escamotage de la richesse d'autrui dĂ©jĂ existante. C'est notamment aux sommets de la sociĂ©tĂ© bourgeoise que l'assouvissement des convoitises les plus malsaines et les plus dĂ©rĂ©glĂ©es se dĂ©chaĂźnait et entrait Ă chaque instant en conflit avec les lois bourgeoises elles-mĂȘmes, car c'est lĂ oĂč la jouissance devient crapuleuse, lĂ oĂč l'or, la boue, le sang s'entremĂȘlent que tout naturellement la richesse provenant du jeu recherche sa satisfaction. La bourgeoisie industrielle voyait ses intĂ©rĂȘts menacĂ©s, la petite bourgeoisie Ă©tait moralement indignĂ©e, l'imagination populaire s'insurgeait, Paris Ă©tait inondĂ© de pamphlets... Enfin deux Ă©vĂšnements Ă©conomiques mondiaux prĂ©cipitĂšrent l'explosion du malaise gĂ©nĂ©ral et mĂ»rirent le mĂ©contentement jusqu'Ă la rĂ©volte. ... La maladie de la pomme de terre et les mauvaises rĂ©coltes de 1845 et 1846 accentuĂšrent l'effervescence gĂ©nĂ©rale dans le peuple. Le renchĂ©rissement de la vie en 1847 provoqua en France comme sur tout le reste du contient des conflits sanglants. Face aux orgies scandaleuses de l'aristocratie financiĂšre, c'Ă©tait la lutte du peuple pour les moyens d'existence les plus Ă©lĂ©mentaires! A Buzançais, on executa des Ă©meutiers de la faim, Ă Paris des escrocs repus Ă©taient soustraits aux tribunaux par la famille royale! Le second grand Ă©vĂšnement Ă©conomique qui hĂąta l'explosion de la rĂ©volution fut une crise gĂ©nĂ©rale du commerce et de l'industrie en Angleterre... Les ravages causĂ©s dans le commerce et l'industrie par la crise Ă©conomique rendaient encore plus insupportable l'omnipotence de l'aristocratie financiĂšre. L'opposition bourgeoise souleva dans toute la France l'agitation des banquets en faveur d'une rĂ©forme Ă©lectorale qui devait lui conquĂ©rir la majoritĂ© dans les Chambres et renverser le ministĂšre de la bourse. Le Gouvernement provisoire qui surgit des barricades de FĂ©vrier reflĂ©tait nĂ©cessairement dans sa composition les divers partis qui se partageaient la victoire. Il ne pouvait ĂȘtre qu'un compromis entre les diffĂ©rentes classes qui avaient renversĂ© ensemble le trĂŽne de Juillet, mais dont les intĂ©rĂȘts s'opposaient avec hostilitĂ©. Il Ă©tait composĂ© en majoritĂ© de reprĂ©sentants de la bourgeoisie. La petite bourgeoisie rĂ©publicaine Ă©tait reprĂ©sentĂ©e par Ledru-Rollin et Flocon; la bourgeoisie rĂ©publicaine par les gens du National , l'opposition dynastique par CrĂ©mieux, Dupont de l'Eure, etc. La classe ouvriĂšre ne possĂ©dait que deux reprĂ©sentants, Louis Blanc et Albert. Lamartine, enfin, dans le Gouvernement provisoire, n'Ă©tait lĂ , au premier abord, pour aucun intĂ©rĂȘt rĂ©el, pour aucune classe dĂ©terminĂ©e; c'Ă©tait la rĂ©volution de FĂ©vrier elle-mĂȘme, le soulĂšvement commun avec ses illusions, sa poĂ©sie, son contenu imaginaire et ses phrases. Mais au fond le porte-parole de la rĂ©volution de FĂ©vrier, par sa position comme par ses opinions, appartenait Ă la bourgeoisie. Si Paris, par suite de la centralisation politique, domine la France, les ouvriers dominent Paris dans les moments de sĂ©ismes rĂ©volutionnaires. La premiĂšre manifestation d'existence du Gouvernement provisoire fut la tentative de se soustraire Ă cette influence prĂ©dominante en en appelant de Paris enivrĂ© au sang-froid de la France. Lamartine contesta aux combattants des barricades le droit de proclamer la RĂ©publique, disant que seule la majoritĂ© des Français avait qualitĂ© pour le faire, qu'il fallait attendre leur vote, que le prolĂ©tariat parisien ne devait pas souiller sa victoire par une usurpation.. Le 25 fĂ©vrier, vers midi, la RĂ©publique n'Ă©tait pas encore proclamĂ©e, mais, par contre, tous les ministĂšres Ă©taient dĂ©jĂ rĂ©partis entre les Ă©lĂ©ments bourgeois du Gouvernement provisoire et entre les gĂ©nĂ©raux, banquiers et avocats du National. Mais cette fois, les ouvriers Ă©taient rĂ©solus Ă ne plus tolĂ©rer un escamotage semblable Ă celui de juillet 1830. Ils Ă©taient prĂȘts Ă engager Ă nouveau le combat et Ă imposer la RĂ©publique par la force des armes. C'est avec cette mission que Raspail se rendit Ă l'HĂŽtel de Ville. Au nom du prolĂ©tariat parisien, il ordonna au Gouvernement provisoire de proclamer la RĂ©publique, dĂ©clarant que si cet ordre du peuple n'Ă©tait pas exĂ©cutĂ© dans les deux heures, il reviendrait Ă la tĂȘte de hommes. Les cadavres des combattants Ă©taient encore Ă peine refroidis, les barricades n'Ă©taient pas enlevĂ©es, les ouvriers n'Ă©taient pas dĂ©sarmĂ©s et la seule force qu'on pĂ»t leur opposer Ă©tait la garde nationale. Dans ces circonstances, les considĂ©rations politiques et les scrupules juridiques du Gouvernement provisoire s'Ă©vanouirent brusquement. Le dĂ©lai de deux heures n'Ă©tait pas encore Ă©coulĂ© que dĂ©jĂ sur tous les murs de Paris s'Ă©talaient en caractĂšres gigantesques RĂ©publique française! LibertĂ©, ĂgalitĂ©, FraternitĂ©! ... Le mot qui rĂ©pondait Ă cette suppression imaginaire des rapports de classe, c'Ă©tait la FraternitĂ©, la fraternisation et la fraternitĂ© universelles. Cette abstraction dĂ©bonnaire des antagonismes de classes, cet Ă©quilibre sentimental des intĂ©rĂȘts de classe contradictoires, cette exaltation enthousiaste au-dessus de la lutte de classes, la FraternitĂ© fut vraiment la devise de la rĂ©volution de FĂ©vrier. C'Ă©tait un simple malentendu qui sĂ©parait les classes et le 24 fĂ©vrier, Lamartine baptisa le Gouvernement provisoire "Un gouvernement qui suspend ce malentendu terrible entre les diffĂ©rentes classes" . Le prolĂ©tariat de Paris se laissa aller Ă cette gĂ©nĂ©reuse ivresse de fraternitĂ©. De son cĂŽtĂ©, le Gouvernement provisoire, une fois contraint de proclamer la RĂ©publique, fit tout pour la rendre acceptable Ă la bourgeoisie et aux provinces... La jeune RĂ©publique chercha comme son principal mĂ©rite, Ă n'effaroucher personne, Ă s'effrayer plutĂŽt elle-mĂȘme continuellement et, par sa mansuĂ©tude, sa vie passive, Ă acquĂ©rir le droit Ă la vie et dĂ©sarmer les rĂ©sistances. ... Le Gouvernement provisoire voulait dĂ©pouiller la RĂ©publique de son apparence antibourgeoise. Il lui fallut donc, avant tout, chercher Ă assurer la valeur d'Ă©change de cette nouvelle forme dâĂtat, son cours en Bourse. Pour Ă©carter jusqu'au soupçon qu'il ne voulait ou ne pouvait satisfaire aux obligations que lui lĂ©gua la monarchie, pour redonner confiance en la moralitĂ© bourgeoise et en la solvabilitĂ© de la RĂ©publique, le Gouvernement provisoire eut recours Ă une fanfaronnade aussi puĂ©rile qu'indigne. Avant le ternie de l'Ă©chĂ©ance lĂ©gale, il paya aux crĂ©anciers de l'Ătat les intĂ©rĂȘts des 5 %, 4 1/2 % et 4 %. L'aplomb bourgeois, l'assurance des capitalistes se rĂ©veillĂšrent brusquement, quand ils virent la hĂąte anxieuse avec laquelle on cherchait Ă acheter leur confiance. Bien entendu, l'embarras financier du Gouvernement provisoire ne fut pas attĂ©nuĂ© par ce coup de théùtre qui le privait de l'argent comptant disponible. Il n'Ă©tait pas possible de dissimuler plus longtemps la gĂȘne financiĂšre, et ce fut aux petits bourgeois, employĂ©s et ouvriers Ă payer l'agrĂ©able surprise mĂ©nagĂ©e aux crĂ©anciers de l' livrets de caisse d'Ă©pargne dont le montant dĂ©passait 100 francs furent dĂ©clarĂ©s non remboursables en argent. Les sommes dĂ©posĂ©es dans les caisses d'Ă©pargne furent confisquĂ©es et converties, par voie de dĂ©cret, en dette d'Ătat non petit bourgeois, dĂ©jĂ bien assez rĂ©duit Ă la misĂšre, en fut irritĂ© contre la RĂ©publique. Ayant reçu Ă la place de son livret de caisse d'Ă©pargne, des bons du TrĂ©sor, il fut contraint d'aller les vendre Ă la Bourse et de se livrer ainsi directement aux mains des Juifs de la Bourse contre lesquels il avait fait la rĂ©volution de financiĂšre qui rĂ©gnait sous la monarchie de Juillet avait dans la Banque son Ăglise Ă©piscopale. De mĂȘme que la Bourse rĂ©git le crĂ©dit public, la Ban-que gouverne le crĂ©dit menacĂ©e par la rĂ©volution de FĂ©vrier, non seulement dans sa domination, mais dans son existence, la Banque s'appliqua, dĂšs le dĂ©but, Ă discrĂ©diter la RĂ©publique en gĂ©nĂ©ralisant la fermeture du crĂ©dit. Brusquement, elle dĂ©nonça tout crĂ©dit aux banquiers, aux fabricants, aux commerçants. Comme cette manĆuvre ne provoqua pas de contre-rĂ©volution immĂ©diate, elle eut nĂ©cessairement son contrecoup sur la Banque elle-mĂȘme. Les capitalistes retirĂšrent l'argent qu'ils avaient dĂ©posĂ© dans ses caves. Les possesseurs de billets de banque se prĂ©cipitĂšrent Ă sa caisse pour les Ă©changer contre de l'or et de l' Gouvernement provisoire pouvait, sans recourir Ă la violence de façon lĂ©gale,acculer la Banque Ă la banqueroute; il n'avait qu'Ă observer une attitude passive et Ă abandonner la Banque Ă son propre sort. La banqueroute de la Banque, c'Ă©tait le dĂ©luge balayant en un clin d'Ćil du sol français l'aristocratie financiĂšre, le plus puissant et le plus dangereux ennemi de la RĂ©publique, le piĂ©destal d'or de la monarchie de Juillet. Une fois la Banque en faillite, la bourgeoisie Ă©tait obligĂ©e de considĂ©rer elle-mĂȘme comme une derniĂšre tentative de sauvetage dĂ©sespĂ©rĂ©e la crĂ©ation parle gouvernement d'une banque nationale et la subordination du crĂ©dit national au contrĂŽle de la nation. Le Gouvernement provisoire, au contraire, donna cours forcĂ© aux billets de ban-que. Il fit mieux. Il transforma toutes les banques de province en succursales de la Banque de France, lui permettant de jeter son rĂ©seau sur le pays tout entier. Plus tard,il engagea auprĂšs d'elle les forĂȘts domaniales en garantie de l'emprunt qu'il contracta envers elle. C'est ainsi que la rĂ©volution de FĂ©vrier consolida et Ă©largit directement la bancocratie qu'elle devait renverser. Entre-temps, le Gouvernement provisoire se tordait sous le cauchemar d'un dĂ©ficit croissant. C'est en vain qu'il mendiait des sacrifices patriotiques. Seuls, les ouvriers lui jetĂšrent leur aumĂŽne. Il fallut recourir Ă un moyen hĂ©roĂŻque, Ă la promulgation d'un nouvel impĂŽt. Mais qui imposer? Les loups-cerviers de la Bourse, les rois de la Banque, les crĂ©anciers de l'Ătat, les rentiers, les industriels? Ce n'Ă©tait point lĂ un moyen de faire accepter en douceur la RĂ©publique par la bourgeoisie. C'Ă©tait, d'un cĂŽtĂ©, mettre en pĂ©ril le crĂ©dit de l'Ătat et celui du commerce, que l'on cherchait,d'autre part, Ă acheter au prix de si grands sacrifices, de si grandes humiliations. Mais il fallait que quelqu'un casquĂąt. Qui fut sacrifiĂ© au crĂ©dit bourgeois ? Jacques Bonhomme, le paysan. Le Gouvernement provisoire Ă©tablit un impĂŽt additionnel de 45 centimes par franc sur les quatre impĂŽts directs. La presse gouvernementale essaya de faire accroire au prolĂ©tariat de Paris que cet impĂŽt affecterait de prĂ©fĂ©rence la grosse propriĂ©tĂ© fonciĂšre, les possesseurs du milliard octroyĂ© par la Restauration. Mais, en rĂ©alitĂ©, l'impĂŽt atteignit avant tout la classe paysanne, c'est-Ă -dire la grande majoritĂ© du peuple français. Ce sont les paysans qui durent payer les frais de la rĂ©volution de FĂ©vrier,c'est chez eux que la contre-rĂ©volution puisa son principal contingent. L'impĂŽt de 45 centimes, c'Ă©tait une question de vie ou de mort pour le paysan français, il en fit une question de vie ou de mort pour la RĂ©publique. La RĂ©publique, pour le paysan français, ce fut dĂ©sormais l'impĂŽt des 45 centimes, et dans le prolĂ©tariat de Paris, il vit le dissipateur qui prenait du bon temps Ă ses que la RĂ©volution de 1789 avait commencĂ© par dĂ©livrer les paysans des charges fĂ©odales, la rĂ©volution de 1848 s'annonçait par un nouvel impĂŽt sur la population rurale, afin de ne pas mettre en pĂ©ril le capital et d'assurer le fonctionne-ment du mĂ©canisme d' seul moyen par lequel le Gouvernement provisoire pouvait Ă©carter tous ces inconvĂ©nients et tirer l'Ătat de son ancienne voie - c'Ă©tait de dĂ©clarer la banqueroute de l'Ătat. On se souvient comment Ă l'AssemblĂ©e nationale Ledru-Rollin fut pris aprĂšs coup d'une vertueuse indignation en dĂ©clarant qu'il rĂ©pudiait cette suggestion du boursier juif Fould, devenu ministre des Finances français. Fould lui avait tendu la pomme de l'arbre de la reconnaissant les traites que la vieille sociĂ©tĂ© bourgeoise avait tirĂ©es sur l'Ătat,le Gouvernement provisoire s'Ă©tait mis Ă sa discrĂ©tion. Il Ă©tait devenu le dĂ©biteur gĂȘnĂ© de la sociĂ©tĂ© bourgeoise au lieu de se poser en crĂ©ancier menaçant qui avait Ă recouvrer des crĂ©ances rĂ©volutionnaires remontant Ă de nombreuses annĂ©es. Il lui fallut consolider les rapports bourgeois vacillants pour s'acquitter d'obligations qui ne sont Ă remplir que dans le cadre de ces rapports. Le crĂ©dit devint une condition de son existence et les concessions, les promesses faites au prolĂ©tariat autant de chaĂźnes qu'il fallait briser. L'Ă©mancipation des travailleurs, mĂȘme comme simple phrase, devenait un danger intolĂ©rable pour la nouvelle RĂ©publique, car elle Ă©tait une protestation permanente contre le rĂ©tablissement du crĂ©dit qui repose sur la reconnaissance ininterrompue et inaltĂ©rable des rapports Ă©conomiques de, classes existants. Il fallait donc en finir avec les ouvriers. La rĂ©volution de FĂ©vrier avait rejetĂ© l'armĂ©e hors de Paris. La garde nationale,c'est-Ă -dire la bourgeoisie dans ses nuances variĂ©es, constituait la seule force. Cependant, elle se sentait Ă elle seule infĂ©rieure au prolĂ©tariat. Au surplus, elle Ă©tait obligĂ©e,non sans y faire la rĂ©sistance la plus acharnĂ©e, non sans susciter cent obstacles divers,d'ouvrir peu Ă peu ses rangs et, partiellement, d'y laisser entrer des prolĂ©taires ne restait donc qu'une seule issue opposer une partie des prolĂ©taires Ă l'autre partie. Dans ce but, le Gouvernement provisoire forma 24 bataillons de gardes mobiles, de 1000 hommes chacun, composĂ©s de jeunes gens de 15 Ă 20 ans. Ils appartenaient pour la plupart au lumpen-prolĂ©tariat qui, dans toutes les grandes villes, constitue une masse nettement distincte du prolĂ©tariat industriel, pĂ©piniĂšre de voleurs et de criminels de toute espĂšce, vivant des dĂ©chets de la sociĂ©tĂ©, individus sans mĂ©tier avouĂ©, rĂŽdeurs, gens sans aveu et sans feu, diffĂ©rents selon le degrĂ© de culture de la nation Ă laquelle ils appartiennent, ne dĂ©mentant jamais le caractĂšre de lazzaroni. ..." 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201210(of 500) Essais gratuits de Etudier | Karl Marx Le Manifeste fut rĂ©digĂ© afin de dĂ©montrer ce quâest le communisme et de dĂ©montrer son but & pouvoir ainsi le Dissertations Sujets Fiches de lecture Tableau de Bord S'inscrire Home Page Lutte Des Classes Marx. Lutte Des Classes Marx Page 21 sur 50 - Environ 500 essais Examen de Philosophie 5382 mots | 22 pages Karl Contrairement Ă une opinion parfois rĂ©pandue, Marx nâa pas dĂ©laissĂ© les questions du racisme et du colonialisme de son entreprise intellectuelle. Câest mĂȘme avec une plume acerbe quâil sây est opposĂ©. De lâesclavagisme au nazisme, en passant par le colonialisme, les classes dominantes ont utilisĂ© le racisme pour diviser la classe ouvriĂšre et justifier les guerres. Deux cents ans aprĂšs sa naissance, repartir des thĂšses de Marx offre-t-il un cadre dâanalyse pour mieux comprendre lâorigine du racisme et son lien avec le capitalisme, et pour trouver les moyens de le combattre ? Luttes de classes et antiracisme sont-ils, en somme, compatibles ? Contre une caricature du marxisme Aujourdâhui, pour certains dans la gauche, lâantiracisme serait une question secondaire, la seule contradiction fondamentale serait sociale, entre Capital et Travail. Pour dâautres, Marx nâa jamais abordĂ© la question du racisme et nâoffre pas de cadre dâanalyse pertinent pour aborder cette question. Or, deux cents ans aprĂšs sa naissance, retourner Ă Marx et aux dĂ©bats et combats quâil a inspirĂ©s au 19e et 20e siĂšcles permet au contraire, Ă notre sens, de clarifier des enjeux majeurs actuels. Lâhistoire de toute sociĂ©tĂ© jusquâĂ nos jours nâa Ă©tĂ© que lâhistoire de luttes de classes » est une des citations les plus cĂ©lĂšbres de Marx dans le Manifeste du parti communiste. Mais que veut-elle dire rĂ©ellement ? Certains en dĂ©duisent que le marxisme est une thĂ©orie Ă©conomique dĂ©terministe, se rĂ©duisant Ă lâopposition entre travailleurs et capitalistes dans un cadre national. Dans cette vision, le marxisme nâoffrirait aucun cadre pour aborder des questions aussi essentielles que le racisme et le nĂ©o-colonialisme. Rien nâest plus faux. Dâabord, Marx donne un cadre dâanalyse matĂ©rialiste de lâhistoire, partant du dĂ©veloppement des forces productives les usines, les technologies⊠et des rapports de production matĂ©riels les rapports entre classes comme base. Dans ce sens, la base matĂ©rielle, Ă©conomique, dĂ©termine, en derniĂšre instance, la superstructure lâĂtat, la politique, lâidĂ©ologie, la culture des diffĂ©rentes classes. Mais Marx explique que la superstructure, la politique, la lutte des idĂ©es⊠peuvent Ă leur tour peser sur la lutte des classes et, finalement, sur les rapports de production pour transformer la sociĂ©tĂ©. Marx nâest pas dĂ©terministe dans le sens quâil montre comment les ĂȘtres humains, Ă partir dâune comprĂ©hension du monde, peuvent non seulement le dĂ©crire mais aussi le transformer. Ensuite, si Marx place la contradiction entre Capital et Travail comme centrale dans le dĂ©veloppement du capitalisme, il montre dĂšs le dĂ©but son caractĂšre international et souligne lâimportance de lâunitĂ© internationale des travailleurs. Marx et Engels, dĂšs le Manifeste du parti communiste en 1848, distinguent les communistes des autres organisations ouvriĂšres, en particulier sur le point que dans les diffĂ©rentes luttes nationales des prolĂ©taires, ils mettent en avant et font valoir les intĂ©rĂȘts indĂ©pendants de la nationalitĂ© et communs Ă tout le prolĂ©tariat mondial ». Marx et Engels concluent par le cĂ©lĂšbre Les prolĂ©taires nâont rien Ă perdre que leurs chaĂźnes. Ils ont un monde Ă y gagner. ProlĂ©taires de tous les pays unissez-vous ! » Enfin, Ă©crit le philosophe italien Losurdo, il faut se garder dâune lecture binaire de la sociĂ©tĂ©, limitĂ©e Ă une dimension Relisons le Manifeste du parti communiste âLâhistoire de toute sociĂ©tĂ© jusquâĂ nos jours nâa Ă©tĂ© que lâhistoire de luttes de classeâ, et elles prennent des âformes diffĂ©rentesâ. Le recours au pluriel laisse entendre que la lutte entre prolĂ©tariat et bourgeoisie ou entre travail salariĂ© et classes propriĂ©taires nâest quâune des luttes de classe. Il y a aussi la lutte de classe dâune nation qui se dĂ©barrasse de lâexploitation et de lâoppression coloniale1. » Losurdo dĂ©crit ainsi le marxisme comme une thĂ©orie gĂ©nĂ©ral du conflit social toutes les luttes de lâhistoire [âŠ] ne sont que lâexpression plus ou moins claire de luttes entre classe sociales. » Autrement dit, on ne peut rĂ©duire les luttes des classes Ă une relation binaire Capital-Travail, entre bourgeois et travailleurs. Dans chaque situation concrĂšte, un entrelac particulier de contradictions peut imposer une hiĂ©rarchisation dĂ©terminĂ©e des diffĂ©rentes luttes des classes sociales. Cette hiĂ©rarchisation ne doit cependant pas empĂȘcher que chacune de ces luttes des classes soit prise en considĂ©ration2. Et surtout que cette hiĂ©rarchisation peut Ă©voluer selon les pays et les situations historiques. Marx pointe ainsi la division internationale du travail, liĂ©e au dĂ©veloppement inĂ©gal du capitalisme. Les pays oĂč se dĂ©veloppent le capitalisme dans sa forme la plus avancĂ©e comme la Grande-Bretagne partent Ă la conquĂȘte du monde, pillant les richesses dâautres pays, colonisant, expropriant et introduisant dâautres formes de conflits que celui entre Capital et Travail. Le pillage des colonies est dâailleurs aussi la condition sine qua non pour le dĂ©veloppement du capitalisme, comme lâexplique Marx dans Le Capital Les trĂ©sors directement extorquĂ©s hors de lâEurope par le travail forcĂ© des indigĂšnes rĂ©duits en esclavage, par le pillage et le meurtre refluaient Ă la mĂšre patrie pour y fonctionner comme capital3. » Si au niveau dâune mĂ©tropole capitaliste, la contradiction entre Capital et Travail est premiĂšre, les fondateurs du marxisme pointent la contradiction grandissante entre nations impĂ©rialistes et nations opprimĂ©es. Une nation ne peut pas devenir libre et en mĂȘme temps continuer Ă opprimer dâautres nations », Ă©crit dĂ©jĂ Engels, alter ego de Marx, en 1847. Alors que câest la rencontre de la rĂ©alitĂ© des classes ouvriĂšres anglaise et française qui a fait de Marx et dâEngels des communistes, câest la rĂ©sistance des peuples qui les amĂšne Ă lâanticolonialisme. En 1858, la rĂ©volte des Cipayes, en Inde, marque un tournant dĂ©cisif alors que toute la presse europĂ©enne se lamente sur les tueries dont sont victimes les EuropĂ©ens » et sur la sauvagerie » des rĂ©voltĂ©s, seuls Marx et Engels prennent leur dĂ©fense. Puis, quand les Chinois se rĂ©voltent contre les interventions occidentales, ils Ă©crivent Au lieu de crier au scandale Ă cause de la cruautĂ© des Chinois, on ferait mieux de reconnaĂźtre quâil sâagit dâune guerre populaire pour la survie de la nation chinoise4. » En Irlande, colonie de lâAngleterre, Marx et Engels travaillent avec le mouvement anticolonial des Fenians pour eux, dans lâIrlande du 19e siĂšcle, la question sociale » se pose comme une question nationale ». Pour lâIrlande, lâInde ou la Chine, la lutte des classes devient celle qui oppose les classes qui sâopposent Ă lâoppression nationale et les classes qui dĂ©fendent la colonisation. LĂ©nine, Ă la suite de Marx, combat aussi une vision Ă©conomiste, rĂ©ductionniste du marxisme, une vision qui rĂ©duirait le conflit social uniquement Ă celui entre le travailleur et son patron. Dans son Que Faire ? en 1902, il Ă©crit La conscience de la classe ouvriĂšre ne peut ĂȘtre une conscience politique vĂ©ritable si les ouvriers ne sont pas habituĂ©s Ă rĂ©agir contre tous abus, toute manifestation dâarbitraire, dâoppression, de violence, quelles que soient les classes qui en sont victimes, et Ă rĂ©agir justement du point de vue marxiste, et non dâun autre5. Autrement dit, LĂ©nine plaide pour que le travailleur prenne parti contre lâexploitation Ă©conomique quâil subit mais aussi contre dâautres formes dâoppression discriminations, racisme, autoritarisme, rĂ©pression policiĂšre⊠quâil subit directement mais que dâautres couches de la sociĂ©tĂ© subissent Ă©galement. LĂ©nine avance quâil est indispensable de lutter radicalement pour lâĂ©galitĂ© des droits pour arriver Ă sâĂ©manciper du capitalisme. Et il dĂ©montre comment le capitalisme attaque les droits des minoritĂ©s nationales comme banc dâessai pour rĂ©duire les droits de la population tout entiĂšre. Une nation ne peut pas devenir libre et en mĂȘme temps continuer Ă opprimer dâautres nations », Ă©crit Engels. LĂ©nine dĂ©fend le point de vue que la lutte pour changer fondamentalement de sociĂ©tĂ© nâest pas un acte unique, une bataille unique sur un seul front, [mais que] câest toute une Ă©poque de conflits de classes aigus, une longue succession de batailles sur tous les fronts, câest-Ă -dire sur toutes les questions dâĂ©conomie et de politique ». Que ce soit sur le terrain des droits dĂ©mocratiques ou pour combattre le nationalisme, le racisme et lâantisĂ©mitisme ou encore pour dĂ©fendre le droit des nations opprimĂ©s Ă se libĂ©rer du colonialisme⊠Il ajoute quâun bouleversement de lâordre social peut Ă©clater non seulement Ă la suite dâune grande grĂšve ou dâune manifestation de rue, ou dâune Ă©meute de la faim, ou dâune mutinerie des troupes, ou dâune rĂ©volte coloniale, mais aussi Ă la suite dâune quelconque crise politique ou Ă la faveur dâun rĂ©fĂ©rendum Ă propos de la sĂ©paration dâune nation opprimĂ©e, etc6. » En somme, LĂ©nine souligne les multiples dimensions de lâoppression sous le capitalisme. Et la nĂ©cessitĂ© de sây opposer de façon multiforme. Marx et la lutte pour lâĂ©galitĂ© des droits La rĂ©volution amĂ©ricaine de 1776 et la rĂ©volution française de 1789 marquent le passage de lâhĂ©gĂ©monie du capitalisme sur la fĂ©odalitĂ©. La fĂ©odalitĂ© est caractĂ©risĂ©e par une division en classes entre seigneurs et serfs, un systĂšme politique arbitraire basĂ© sur le droit divin. LâĂ©galitĂ© entre les hommes et la libertĂ© politique ne sont pas Ă©voquĂ©es, elles sont combattues. Le seigneur a droit de vie ou de mort sur le serf. Le capitalisme montant au 18e siĂšcle, pour se libĂ©rer du fĂ©odalisme et de son arbitraire Ă©touffant, de ses entraves au marchĂ©, va proclamer la nĂ©cessitĂ© de lâĂ©galitĂ© en droits entre les hommes. Câest un tournant majeur par rapport Ă lâAncien RĂ©gime et câest la base politique de la bourgeoisie pour renverser les privilĂšges de la noblesse. La proclamation des droits de lâhomme, de lâĂ©galitĂ© et de la libertĂ© entre les hommes, lors des rĂ©volutions amĂ©ricaine et française nâaboutit pourtant pas Ă la fin de lâexploitation, de lâoppression et des discriminations. Au contraire mĂȘme, le capitalisme va ouvrir une pĂ©riode de dĂ©veloppement du racisme. Marx va analyser ce paradoxe apparent la proclamation des droits Ă©gaux nâaboutit pas Ă leur rĂ©alisation pour la majoritĂ© de la population sous le capitalisme. Il Ă©crit Chaque paragraphe de la Constitution contient, en effet, sa propre antithĂšse [âŠ] Dans le texte, la libertĂ© ; dans la marge, la suppression de cette libertĂ©. [âŠ] Lâexistence constitutionnelle de la libertĂ© resta entiĂšre, intacte, bien que son existence rĂ©elle fĂ»t totalement anĂ©antie7. » Marx montre la source Ă©conomique Ă la base de ce paradoxe la bourgeoisie a proclamĂ© ses droits, pour supplanter la noblesse, pas du tout pour donner lâĂ©galitĂ© au reste du peuple, quâil doit exploiter et opprimer. Ce qui fera dire Ă Marx Lâapplication du droit de lâhomme Ă la libertĂ©, câest le droit de lâhomme Ă la propriĂ©tĂ© privĂ©e8. » Ă la proclamation des droits universels de lâhomme, succĂšdent directement la limitation ou lâabsence de ces droits pour une grande partie. Ainsi, au sein des mĂ©tropoles, par exemple en France, dans la lutte de classes entre Travail et Capital, les droits des travailleurs sont immĂ©diatement limitĂ©s par la Loi Chapelier 1791 qui interdit quasiment le droit dâorganisation et de grĂšve des travailleurs qui menacerait le droit Ă la propriĂ©tĂ© privĂ©e ». La discrimination censitaire fera en sorte que la classe ouvriĂšre et les couches les plus pauvres seront exclues du droit de vote aux Ă©lections durant plus dâun siĂšcle un siĂšcle et demi pour les femmes. Mais lĂ oĂč lâĂ©galitĂ© en droits est le plus niĂ©, combattu, justifiĂ©, câest pour les esclaves et les peuples colonisĂ©s. Qui nâont aucun droit. Et le racisme sert Ă justifier cette inĂ©galitĂ©. On peut le voir avec lâesclavagisme aux Ătats-Unis. Il se dĂ©veloppe de maniĂšre fulgurante aprĂšs la rĂ©volution bourgeoise amĂ©ricaine Le total de la population esclave en AmĂ©rique sâĂ©levait Ă environ 33 000 en 1700, Ă presque trois millions en 1800, pour atteindre finalement un pic de plus de six millions dans les annĂ©es cinquante du XIXe siĂšcle9. » Ce dĂ©veloppement est directement liĂ© au dĂ©veloppement vertigineux du capitalisme, en particulier de lâindustrie textile britannique qui sâalimentait en coton produit au sud des Ătats-Unis, dans ce quâon a appelĂ© le commerce triangulaire les Noirs dâAfrique Ă©taient dĂ©portĂ©s aux AmĂ©riques comme esclaves pour y ĂȘtre exploitĂ©s et permettre lâapprovisionnement de lâEurope en produits des AmĂ©riques. Câest ainsi quâon retombe sur ce paradoxe apparent la rĂ©volution libĂ©rale aux Ătats-Unis, qui proclame des principes de libertĂ© et dâĂ©galitĂ©, va de pair avec le dĂ©veloppement de lâesclavage racial. Dans les premiĂšres dĂ©cennies qui suivirent lâindĂ©pendance de 1776, presque tous les prĂ©sidents des Ătats-Unis Ă©taient propriĂ©taires dâesclaves Washington, mais aussi Jefferson, lâauteur de la DĂ©claration dâindĂ©pendance, Madison, un des principaux auteurs de la Constitution. Aux Ătats-Unis, lâesclavage durera jusquâĂ la fin de la guerre de SĂ©cession, câest-Ă -dire 1865. A la grande fureur de leurs maĂźtres français les esclaves haĂŻtiens ont pris au mot la devise de la RĂ©volution française, LibertĂ©, EgalitĂ©, FraternitĂ© ». En France, NapolĂ©on combattra la grande rĂ©volution victorieuse des esclaves noirs de Saint-Domingue, aujourdâhui HaĂŻti, rĂ©volution dirigĂ©e par le grand Toussaint Louverture en 1800. Or, les esclaves haĂŻtiens ont pris au mot la devise de la RĂ©volution française, LibertĂ©, EgalitĂ©, FraternitĂ© », Ă la grande fureur de leurs maĂźtres français qui ne voulaient pas de cette Ă©galitĂ©. De cette rĂ©volution remarquable va naĂźtre le premier Ătat du continent amĂ©ricain Ă abolir lâesclavage. Ensuite, lâesclavage va disparaĂźtre dans presque toute lâAmĂ©rique latine grĂące au mouvement de libĂ©ration et dâindĂ©pendance de Simon Bolivar, fortement influencĂ© par la rĂ©volution haĂŻtienne. Une rĂ©volution qui va inspirer Marx et le mouvement socialiste naissant. Marx va alors sâengager pour soutenir les forces qui, aux Ătats-Unis, combattent lâesclavagisme et les propriĂ©taires dâesclaves du Sud. Dans une lettre au prĂ©sident Lincoln, il Ă©crit que la rĂ©bellion des esclavagistes sonne le tocsin pour une croisade gĂ©nĂ©rale de la propriĂ©tĂ© contre le travail et avance que tant que les travailleurs amĂ©ricains blancs permirent Ă lâesclavage de souiller leur propre RĂ©publique ; tant quâils se glorifiĂšrent de jouir â par rapport aux Noirs qui avaient un maĂźtre et Ă©taient vendus sans ĂȘtre consultĂ©s â du privilĂšge dâĂȘtre libres de se vendre eux-mĂȘmes et de choisir leur patron, ils furent incapables de combattre pour la vĂ©ritable Ă©mancipation du travail ou dâappuyer la lutte Ă©mancipatrice de leurs frĂšres europĂ©ens10. Car le dĂ©veloppement du racisme a servi Ă justifier lâexclusion des Noirs du champ oĂč sâexerce la dĂ©mocratie » et Ă lĂ©gitimer dĂ©mocratiquement » lâesclavagisme. Lâauteure marxiste amĂ©ricaine Ellen Meiksins Wood lâĂ©crit ainsi Câest prĂ©cisĂ©ment la pression structurelle contre une diffĂ©rence extra-Ă©conomique qui a rendu nĂ©cessaire de justifier lâesclavage en excluant les esclaves de la race humaine, faisant dâeux des non-personnes se trouvant en dehors de lâunivers normal de la libertĂ© et de lâĂ©galitĂ©11 » . Marx, lâIrlande et la lutte contre le racisme Durant les premiĂšres annĂ©es de leur sĂ©jour en Angleterre dans les annĂ©es 1850, Marx et Engels placent beaucoup dâespoir dans les travailleurs anglais pour ĂȘtre les pionniers de la libĂ©ration de la classe ouvriĂšre, Ă©tant donnĂ© quâils sont au cĆur du systĂšme capitaliste le plus avancĂ©. Mais assez vite, ils sont confrontĂ©s Ă la division entre les travailleurs dâorigine anglaise et irlandaise. LâIrlande est une colonie anglaise. Ce pays est confrontĂ© Ă lâexpropriation systĂ©matique des terres irlandaises par les grands propriĂ©taires fonciers anglais, par une rĂ©pression sans nom que certains compareront Ă celle des Indiens dâAmĂ©rique. LâĂźle est vidĂ©e de ses habitants qui Ă©migrent aux Ătats-Unis et en Grande-Bretagne, oĂč ils sont doublement opprimĂ©s comme tout travailleurs dans le systĂšme capitaliste et comme Irlandais ayant un salaire et un statut infĂ©rieurs. Cette situation permet aux capitalistes de faire pression Ă la baisse sur les salaires de toute la classe ouvriĂšre. Mais cette oppression supplĂ©mentaire du travailleur irlandais est politique, car le travailleur irlandais a moins de droits, pouvant ĂȘtre expulsĂ© et pourchassĂ© Ă tout moment. Et cette oppression est idĂ©ologiquement justifiĂ©e par la bourgeoisie en attisant les prĂ©jugĂ©s nationalistes de supĂ©rioritĂ© chez le travailleur anglais. Lâasservissement de lâIrlande empĂȘche lâĂ©mancipation de la classe ouvriĂšre anglaise, dit Marx. Mais il va plus loin Ce qui est primordial, câest que chaque centre industriel et commercial dâAngleterre possĂšde maintenant une classe ouvriĂšre divisĂ©e en deux camps hostiles les prolĂ©taires anglais et les prolĂ©taires irlandais. Lâouvrier anglais moyen dĂ©teste lâouvrier irlandais en qui il voit un concurrent qui dĂ©grade son niveau de vie. [âŠ] Il se berce de prĂ©jugĂ©s religieux, sociaux et nationaux contre les travailleurs irlandais. Il se comporte Ă peu prĂšs comme les blancs pauvres vis-Ă -vis des noirs dans les anciens Ătats esclavagistes des Ătats-Unis12. On voit bien que pour Marx, ce racisme anti-Irlandais est tout Ă la fois un instrument dâoppression Ă©conomique, politique et idĂ©ologique. Et Marx pointe le danger mortel du racisme dans la lutte contre le capitalisme Cet antagonisme est le secret de lâimpuissance de la classe ouvriĂšre anglaise, malgrĂ© son organisation. Câest le secret du maintien au pouvoir de la classe capitaliste, et celle-ci en est parfaitement consciente. [âŠ] La tĂąche de lâInternationale est donc en toute occasion de mettre au premier plan le conflit entre lâAngleterre et lâIrlande, et de prendre partout ouvertement parti pour lâIrlande. Il doit sâattacher tout particuliĂšrement Ă Ă©veiller dans la classe ouvriĂšre anglaise la conscience que lâĂ©mancipation nationale de lâIrlande nâest pas pour elle une question abstraite de justice ou de sentiments humanitaires, mais la condition premiĂšre de leur propre Ă©mancipation sociale. » Marx en a conclu que pour le travailleur, pas seulement en Angleterre, mais dans le monde entier, pour ĂȘtre libĂ©rĂ©, pour dĂ©truire le systĂšme capitaliste, le systĂšme colonial devait tomber13 », explique Mary Gabriel, auteure dâune biographie sur Marx. Il y a dans lâanalyse de Marx les prĂ©misses dâune analyse du racisme moderne un puissant moyen de diviser les travailleurs et de les mettre en concurrence Ă lâintĂ©rieur des mĂ©tropoles impĂ©rialistes et un instrument de justification du colonialisme et des guerres impĂ©rialistes Ă lâextĂ©rieur. LâimpĂ©rialisme et la lutte contre le chauvinisme Dans la deuxiĂšme moitiĂ© du dix-neuviĂšme siĂšcle, le capitalisme sâĂ©tend largement au-delĂ des frontiĂšres nationales, cherche de nouveaux marchĂ©s et ouvre lâĂšre de ce quâon appelle lâimpĂ©rialisme. Câest le temps de la colonisation de lâAfrique et de lâAsie par les pays europĂ©ens et celui des nouveaux empires. Cette pĂ©riode ouvre aussi une nouvelle phase du dĂ©veloppement du racisme en Europe. Si câest dâabord le moteur Ă©conomique du systĂšme qui pousse Ă la colonisation, dâautres motivations plus politiques sont aussi Ă lâĆuvre. Il sâagit pour les classes dominantes de diviser la classe des travailleurs et de propager le chauvinisme, ce patriotisme exclusif et agressif. Le monde du travail, appauvri, commence Ă sâorganiser dans les syndicats et les coopĂ©ratives. La premiĂšre Internationale des travailleurs voit le jour en 1864, la Commune de Paris fait trembler le continent europĂ©en en 1871. Les tenants de lâordre Ă©tabli ont eu peur et voient dans la colonisation une opportunitĂ© ils peuvent exporter le prolĂ©tariat excĂ©dentaire » vers les colonies, ce qui permet de calmer la rĂ©volte sociale qui gronde en mĂ©tropole. Aux Etats-Unis, avant la guerre de SĂ©cession, le dĂ©veloppement du racisme a servi Ă justifier lâexclusion des Noirs du champ oĂč sâexerce la dĂ©mocratie ». LâĂ©crivain Ernest Renan, peu aprĂšs la Commune de Paris, Ă©crit La colonisation est une nĂ©cessitĂ© politique tout Ă fait de premier ordre. Une nation qui ne colonise pas est irrĂ©vocablement vouĂ©e au socialisme, Ă la guerre du riche et du pauvre14 ». Pour Ă©viter son renversement, la classe dominante favorise ouvertement une sorte de socialisme impĂ©rial ». Elle justifie ainsi dans la classe ouvriĂšre les conquĂȘtes coloniales et donne quelques miettes du gĂąteau colonial Ă une petite minoritĂ© de travailleurs ce que LĂ©nine appellera lâaristocratie ouvriĂšre » afin dâĂ©viter le spectre dâune rĂ©volution sociale. Une perspective totalement opposĂ©e Ă celle des fondateurs du marxisme. Il est possible que lâInde fasse la rĂ©volution et puisque le prolĂ©tariat en lutte pour la libĂ©ration ne peut mener des guerres coloniales, il lui faudra accepter ce processus. [âŠ] La mĂȘme chose pourrait se produire ailleurs, par exemple en AlgĂ©rie et en Egypte, et pour nous, ce serait certainement ce qui serait le mieux », Ă©crit Engels dĂšs 188215, montrant ainsi le lien qui existe entre la lutte de libĂ©ration nationale dans les pays du Sud et la lutte pour le socialisme au Nord. Au tournant du 20e siĂšcle, deux courants vont sâopposer dans le mouvement ouvrier europĂ©en. Lâun est portĂ© par Bernstein et consorts qui vont reprendre la logique du socialisme impĂ©rial », lâautre est incarnĂ© par LĂ©nine et bien dâautres qui sâinspirent de lâinternationalisme de Marx. LâAllemand Bernstein, pĂšre du rĂ©formisme social-dĂ©mocrate, Ă©crit Sans lâexpansion coloniale de notre Ă©conomie, la misĂšre que nous avons encore aujourdâhui en Europe et que nous nous efforçons dâĂ©radiquer serait bien plus grave et nous aurions beaucoup moins dâespoir de lâĂ©liminer. MĂȘme si on le met en balance avec les mĂ©faits du colonialisme, lâavantage procurĂ© par les colonies pĂšse de plus en plus lourd dans la balance16. En Belgique aussi, ce socialisme impĂ©rial gagne une majoritĂ© des dirigeants du monde du travail. Le prĂ©sident du POB, Vandervelde, ne sâoppose pas par principe Ă la colonisation mais seulement Ă ses excĂšs les plus manifestes. Dans son livre La Belgique et le Congo, Vandervelde estime quâabandonner la colonie Ă©quivaudrait Ă une humiliation morale17, tandis que dans Les derniers jours de lâEtat du Congo, il lance un appel aux milliers de jeunes gens [en Belgique] qui assiĂšgent les ministĂšres pour obtenir une misĂ©rable place. [âŠ] Quâils aillent plutĂŽt au Congo. Ils y trouveront des traitements plus Ă©levĂ©s et surtout une vie plus libre et plus intĂ©ressante, au milieu de toutes les possibilitĂ©s des pays neufs, dans la majestueuse solitude des forĂȘts de la brousse18. » Vandervelde recrute activement des colons, se plaçant clairement du cĂŽtĂ© de lâoppression coloniale. Ce socialisme impĂ©rial de la premiĂšre moitiĂ© du vingtiĂšme siĂšcle entend obtenir des rĂ©formes sociales dans les mĂ©tropoles mais lĂ©gitime, dans le mĂȘme temps, lâexpansion coloniale et son cortĂšge de massacres, ce qui le mĂšnera aussi Ă soutenir les puissances impĂ©rialistes dans la PremiĂšre Guerre mondiale, guerre dont lâenjeu majeur sera le repartage des colonies. Il aboutira aussi Ă dĂ©velopper un chauvinisme fortement ancrĂ© dans la tĂȘte de millions de travailleurs des mĂ©tropoles. Face au courant portĂ© par Bernstein, LĂ©nine, dans la lignĂ©e de Marx, va analyser le colonialisme comme le produit du capitalisme et de lâimpĂ©rialisme, et va porter son attention sur la question des nations opprimĂ©es. En 1902, parlant de lâĂ©crasement de la rĂ©volte des Boxers en Chine en 1900, LĂ©nine accuse les Occidentaux envahisseurs qui se sont jetĂ©s sur les Chinois comme des bĂȘtes fĂ©roces, livrant aux flammes des village sentiers⊠». LĂ©nine avance que câest une entreprise qui vise Ă corrompre la conscience politique des classes populaires ». Pour Ă©liminer le mĂ©contentement du peuple », on cherche Ă le dĂ©tourner du gouvernement sur quelquâun dâautre ». LĂ©nine avance aussi que la colonisation encourage le changement social et la rĂ©volution en Orient dans les pays colonisĂ©s ou semi-colonisĂ©s alors quâelle renforce, au moins dans lâimmĂ©diat, le pouvoir dominant en Occident. Il dĂ©nonce aussi la formation dâune aristocratie ouvriĂšre, une petite minoritĂ© de la classe ouvriĂšre qui se fait acheter matĂ©riellement et idĂ©ologiquement par les classes dominantes. Il appelle donc Ă combattre lâimpĂ©rialisme en Occident, y compris dans le mouvement ouvrier, alors quâen Orient, il importe de soutenir sans hĂ©sitation la rĂ©volution anticoloniale. La rĂ©volution russe de 1917 ouvre ainsi une nouvelle sĂ©quence historique. En particulier, celle de la dĂ©colonisation. Les habitants de lâAsie et de lâAfrique », des centaines de millions dâĂȘtres humains », en rĂ©bellion contre le joug imposĂ© par la mĂ©tropole capitaliste, ont rappelĂ© leur volontĂ© dâĂȘtre des hommes et non des esclaves », indique LĂ©nine. La rĂ©vĂ©lation des traitĂ©s secrets Sykes-Picot traitĂ©s entre lâAngleterre et la France se partageant le Moyen-Orient par les SoviĂ©tiques fait Ă©merger un mouvement nationaliste sans prĂ©cĂ©dent dans le monde arabe. En Asie, la Chine mais aussi le Vietnam sâinspirent, dĂšs les annĂ©es 20, du marxisme dans leur mouvement de libĂ©ration nationale. Le nazisme Lâanalyse marxiste reste fĂ©conde pour lâĂ©tude de lâĂ©mergence du nazisme, alimentĂ©e par un racisme forcenĂ© qui va mener Ă la plus grande barbarie du vingtiĂšme siĂšcle, et montre que le nazisme ne peut ĂȘtre dĂ©tachĂ© de lâanalyse du dĂ©veloppement du capitalisme19, ni ĂȘtre prĂ©sentĂ© comme un excĂšs ou un accident de parcours de celui-ci. Tout comme il met en avant que la dĂ©faite du nazisme, quintessence du racisme et du colonialisme, nâa pas Ă©tĂ© une dĂ©faite limitĂ©e Ă lâAllemagne, mais une dĂ©faite des forces rĂ©actionnaires au niveau mondial et une phase de progrĂšs de la lutte antiraciste et anticoloniale. Car si en 1871, le chancelier Bismarck proclame la crĂ©ation du IIe Reich, lâAllemagne nâest pas encore une nation en tant que telle. Le dĂ©veloppement du capitalisme y est plus tardif et, lors de la ConfĂ©rence de Berlin de 1885, quand Bismarck veut obtenir un empire colonial pour lâAllemagne, son butin » comparĂ© Ă la Grande-Bretagne et Ă la France est maigre. DĂšs ce moment, lâAllemagne dĂ©veloppe une armĂ©e dont lâambition est de mener des guerres partout dans le monde pour arracher des nouvelles colonies et rattraper son retard. Pourtant, dans certains groupes dâindustriels, comme les principaux dirigeants du cartel charbon-acier de la Ruhr, on juge que lâempereur allemand et son chancelier Bismarck ne sont pas assez offensifs en la matiĂšre. Ils fondent en 1890 le Alldeutscher Verband20 la Ligue Pangermanique. Les pangermanistes justifient la volontĂ© dâexpansion et de conquĂȘtes de lâindustrie allemande par des thĂ©ories inspirĂ©es du darwinisme social le Kampf ums Dasein se battre pour exister, le droit du plus fort, la nĂ©cessitĂ© pour le peuple allemand en croissance rapide dâavoir plus dâespace vital Lebensraum pour pouvoir survivre. Ce Lebensraum devrait se concrĂ©tiser par une nouvelle conquĂȘte de territoires Ă lâEst. Dans lâĂtat quâimaginent les pangermanistes, il sâagit de dĂ©fendre lâordre et lâexigence dâune puretĂ© de la race » de ses habitants, par la soumission Ă lâautoritĂ©. LâunitĂ© de la nation exige lâexclusion des minoritĂ©s et de tous ceux qui pensent diffĂ©remment. Mais lâexpansionnisme exige aussi la suppression des problĂšmes internes, particuliĂšrement les tensions sociales, et la mise en cause de lâexistence de minoritĂ©s nationales. Lâexpulsion ou lâassimilation forcĂ©e des populations slave et juive des territoires annexĂ©s est mise en avant. LâAlldeutscher Verband tente de dĂ©tourner la classe ouvriĂšre du socialisme internationaliste en lui prĂ©sentant un socialisme national. Aussi, elle fait la promotion dâun nouvel antisĂ©mitisme impĂ©rialiste. Il sâagit de prĂ©senter aux travailleurs, influencĂ©s par le socialisme, une perspective de lutte contre le grand capital juif » coupable de tous les maux, qui ne mettrait pas en danger lâunitĂ© de la nation allemande si chĂšre aux industriels. Marx a conclu du cas irlandais que pour le travailleur dans le monde entier, pour ĂȘtre libĂ©rĂ©, le systĂšme colonial devait tomber ». Cet antisĂ©mitisme impĂ©rialiste est trĂšs pernicieux. Affirmant que le socialisme Ă©tait en soi un but louable, les tenants de cette thĂ©orie dĂ©fendaient quâen affirmant notamment que lâhistoire est une histoire de classes et de lutte de classes, le socialisme marxiste, lui, Ă©tait basĂ© sur une erreur historique et thĂ©orique. Pour eux, les classes devaient ĂȘtre unifiĂ©es et lâĂ©lĂ©ment unificateur Ă©tait le sang », la race ». Or, la race la plus pernicieuse », qui voulait la destruction de la race allemande », câĂ©tait, pour eux, les Juifs, qui avaient comme mĂ©thodes lâinternationalisme » et la lutte de classes ». Ces mĂ©thodes avaient Ă©tĂ© importĂ©es dans le socialisme allemand honorable » par les Juifs dans le but dâaffaiblir la nation allemande » preuve pour eux, Marx Ă©tait juif. Dans cette nouvelle forme du socialisme impĂ©rial qui deviendra plus tard le national-socialisme, le vrai socialisme allemand » reconnaissait la nĂ©cessitĂ© pour les travailleurs de combattre pour lâespace vital ». Jusquâau sortir de la PremiĂšre Guerre mondiale, cet antisĂ©mitisme impĂ©rialiste nâest pas dominant. Le courant dominant dans la classe bourgeoise allemande avait obtenu le soutien des dirigeants sociaux-dĂ©mocrates pour entrer en guerre en sâappuyant sur un nationalisme classique ». Mais la guerre nâavait pas Ă©tĂ© gagnĂ©e, car Ă©puisĂ©e par quatre ans de guerre, une partie des travailleurs en armes sâĂ©tait soulevĂ©e dĂ©but novembre 1918, entraĂźnant la fin de la guerre. Une fraction sans cesse grandissante de la bourgeoisie allemande, avec Ă leur tĂȘte le gĂ©nĂ©ral Erich Ludendorff21, va alors aspirer Ă lâanĂ©antissement le plus rapide et le plus complet possible de la social-dĂ©mocratie et du Parti communiste, et Ă la crĂ©ation dâun mouvement ouvrier national ». Cette fraction va soutenir Adolf Hitler et son parti nazi dĂšs le dĂ©but. Reprenant lâantisĂ©mitisme du Alldeutscher Verband, Hitler voit dans cette forme de racisme un moyen puissant de diviser la classe ouvriĂšre allemande, de la dĂ©tourner du marxisme et de la nationaliser » pour servir les intĂ©rĂȘts des classes dominantes allemandes. Se faisant le porte-parole des forces allemandes les plus rĂ©actionnaires, Hitler avance que lâAllemagne doit Ă©difier en Europe orientale et en Russie un empire colonial de type continental. Le 27 janvier 1932, il prĂ©sente devant les industriels allemands ses desseins fondamentaux. Durant lâensemble du 19e siĂšcle, âles peuples blancsâ ont conquis une position dominante incontestĂ©e, au terme dâun processus qui avait commencĂ© par la conquĂȘte de lâAmĂ©rique et qui sâest dĂ©veloppĂ© sous le signe du âsentiment innĂ©, absolu, de la domination de la race blanche europĂ©enneâ. En mettant en question le systĂšme colonial et en provoquant ou en aggravant la âconfusion de la pensĂ©e blanche europĂ©enneâ, le bolchĂ©visme fait courir un danger mortel Ă la civilisation. Si lâon veut faire face Ă cette menace, il faut rĂ©affirmer la âconviction de la supĂ©rioritĂ© et donc du droit supĂ©rieur de la race blancheâ, il faut dĂ©fendre âla position dominante de la race blanche vis-Ă -vis du reste du monde22â ». Câest un vĂ©ritable programme de contre-rĂ©volution colonialiste et esclavagiste. Ce qui sâimpose selon Hitler, câest quâil ne faut pas hĂ©siter Ă lâexercice dâun droit des maĂźtres herrenrecht dâune brutalitĂ© extrĂȘme ». En juillet 1942, Hitler promulgue une directive pour la colonisation de lâUnion soviĂ©tique Les esclaves doivent travailler pour nous. Si nous nâen avons plus besoin, quâils meurent. » Câest ce systĂšme gĂ©nocidaire qui va ĂȘtre combattu par la rĂ©sistance antifasciste dans toute lâEurope, qui va ĂȘtre battu Ă Stalingrad, et qui ne cessera de reculer jusquâĂ ĂȘtre vaincu Ă Berlin. Si le nazisme reprĂ©sente la quintessence du racisme et du colonialisme, servant Ă combattre Ă la fois, lâennemi extĂ©rieur » les pays Ă coloniser et Ă diviser lâennemi intĂ©rieur » la classe des travailleurs, sa dĂ©faite est aussi une dĂ©faite majeure des formes les plus rĂ©actionnaires du racisme, grĂące Ă un front antifasciste au niveau international. Combiner plusieurs luttes des classes Le rapport de forces au niveau mondial a totalement Ă©tĂ© bouleversĂ© dans les trente annĂ©es qui ont suivi la DeuxiĂšme Guerre mondiale. La force de la rĂ©sistance antifasciste et la peur exercĂ©e par le communisme sur les classes dominantes, combinĂ©e Ă la forte croissance du mouvement social, a amenĂ© dans les pays europĂ©ens un dĂ©veloppement sans prĂ©cĂ©dent de la sĂ©curitĂ© sociale et des hausses du niveau de vie. Ce changement de rapport de forces a aussi menĂ© Ă un puissant mouvement de dĂ©colonisation des peuples du tiers monde et Ă lâisolement croissant des tenants du racisme biologique » au niveau mondial. Fini la pĂ©riode oĂč âles peuples blancsâ ont conquis une position dominante incontestĂ©e » comme lâaffirmait Hitler. La Chine moderne naĂźt en 1949 et reprend le cours de son destin aprĂšs un siĂšcle de domination coloniale. Ho Chi Minh et le Vietnam dĂ©font la France Ă Dien Bien Phu 1954, puis les Ătats-Unis aprĂšs lâoffensive du TĂȘt 1968. Le nationalisme arabe, celui du FLN en AlgĂ©rie et de lâEgypte de Nasser, est fortement influencĂ© par les courants marxistes. Le mouvement antiraciste se dĂ©veloppe dans le monde entier, en particulier aux Ătats-Unis avec le mouvement des droits civiques dont la branche radicale de Malcolm X aux Black Panthers se rapproche du marxisme. Le dernier empire colonial, le portugais, tombe Ă partir de 1974, avec la dĂ©route dans ses colonies dâAngola et du Mozambique. Le rĂ©gime raciste dâapartheid finit aussi par tomber en 1990, sous la pression conjuguĂ©e de la rĂ©sistance de lâANC dont une des composantes majeures est le Parti communiste sud-africain et de la dĂ©faite des forces sud-africaines en Angola, avec le soutien de lâarmĂ©e cubaine de Fidel Castro23. Lâantiracisme et lâanticolonialisme ont pu faire des progrĂšs majeurs grĂące Ă la combinaison des luttes des classes dans les luttes anti-impĂ©rialistes et anticapitalistes, et grĂące aux combats communs prĂŽnant lâunitĂ© des travailleurs. Le racisme et le nĂ©ocolonialisme ont pu, a contrario, se propager chaque fois que les classes dominantes ont divisĂ© la classe ouvriĂšre sur base de prĂ©jugĂ©s nationaux et racistes, ont opposĂ© les travailleurs du Nord aux peuples opprimĂ©es du Sud, ont rĂ©ussi Ă imposer le chauvinisme dans le mouvement ouvrier et Ă dĂ©tacher entre elles les diffĂ©rentes formes de luttes de classes. Face Ă la contre-offensive nĂ©olibĂ©rale lancĂ©e il y a trente ans, ce nâest pas sâĂ©carter mais retourner Ă Marx, Ă son internationalisme et Ă sa thĂ©orie des luttes de classes qui nous semble ĂȘtre indispensable comme source dâinspiration pour combiner avec succĂšs lutte contre le racisme et lutte contre le capitalisme. Voir deuxiĂšme partie La gauche authentique face au nĂ©o-racisme et nĂ©o-colonialisme au 21e siĂšcle », David Pestieau, Lava. FootnotesDomenico Losurdo, La lutte des classes. Une histoire politique et philosophique, 2016, Editions DelgaAinsi, la hiĂ©rarchisation des luttes de classes, leur nature et les alliances de classe ont Ă©tĂ© diffĂ©rentes dans lutte contre lâoccupant nazi pendant la seconde guerre mondiale et dans le cadre de lâ Marx, Le Capital, Lâaccumulation primitive, 6 la genĂšse du capitaliste Marx, New York Daily Tribune, 5 juin 1857LĂ©nine, Que faire ? , III politique trade-unioniste et politique social-dĂ©mocrate, les rĂ©vĂ©lations politiques et âlâĂ©ducation de lâactivitĂ© rĂ©volutionnaireâ »LĂ©nine, La rĂ©volution socialiste et le droit des nations Ă disposer dâelles-mĂȘmes, 1916Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, 1851Karl Marx, La question juive, 1843Robin Blacburn, The Making of New World Slavery, 1492-1800, Verso, Londres-New-York, 1997, p3Lettre de Marx Ă Lincoln, paru dans Der Social-Demokrat, 30 dĂ©cembre Meiksins Wood, Capitalism and human emancipation », New Left Review, I/167, janvier-fĂ©vrier 1988, traduit par nous NdlR.Lettre de Marx Ă Siegfried Mayer et August Vogt Ă New York, le 9 avril Pestieau, Interview Mary Gabriel. Amour et capital, hier et aujourdâhui », Revue Lava, dĂ©cembre 2017 Renan, Oeuvres complĂštes, p12, Calmann-LĂ©vy, 1947Lettre dâEngels Ă Kautsky, 12 septembre 1882Sozialistiche Monatshefte, Bernstein, 1900, p559CitĂ© dans La SociĂ©tĂ© GĂ©nĂ©rale 1822-1992, Jo Cottenier, Patrick De Boosere, Thomas Gounet, p 109, EPO, 1992Ibidem, p 70Reinhard Opitz. Faschismus und Neofaschismus. Band I. 1984. Pahl Rugenstein VerlagAlldeutsch signifie quâĂ leurs yeux, lâAllemagne comprend tous les Allemands, pas seulement ceux qui se trouvent au sein des frontiĂšres de lâempire mais aussi en Autriche-Hongrie et dans dâautres pays de lâEurope de lâEstConsidĂ©rĂ© par les nationalistes allemands comme le plus grand stratĂšge de la PremiĂšre Guerre mondialeCitĂ© dans Losurdo, PP XXFidel Castro dira un jour pour expliquer la solidaritĂ© cubaine en Afrique Le sang de lâAfrique coule profondĂ©ment dans nos veines. » rappelant lâorigine africaine de nombreux habitants de lâĂźle des CaraĂŻbesIlsâagit de contrer lâesprit du systĂšme par Jean-Luc Nancy, philosophe. En un premier sens la lutte des classes est aussi vieille que lâhumanitĂ©. Nul doute quâil y ait toujours eu desDownload Free PDFDownload Free PDFDownload Free PDFDaphnĂ©e EncinasThis PaperA short summary of this paper37 Full PDFs related to this paperDownloadPDF PackPeople also downloaded these PDFsPeople also downloaded these free PDFsPeople also downloaded these free PDFsHistoire des idĂ©es politiquesby Y'Ă€ Hyùà Download Free PDFView PDFLe capitalisme peut-il survivre?by Yves-Marie AbrahamDownload Free PDFView PDFManifeste du Parti communiste et PrĂ©faces du Manifesteby JĂ©rĂŽme BayerDownload Free PDFView PDFDestin, genĂšse et stratĂ©gie du Manifesteby Dardot Pierre and Christian LavalDownload Free PDFView PDFDestin et stratĂ©gie du Manifesteby Christian LavalDownload Free PDFView PDFProgram of World Commune French language last versionby Johan StoneDownload Free PDFView PDFPhilippe. 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